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Corées : "Nous ne sommes pas au début d'une guerre"

Pour le chercheur Olivier Guillard, les bombardements de mardi témoignent surtout de la volonté de Pyongyang de réaffirmer sa place sur la scène internationale.

Par Propos recueillis par Michaël Szadkowski

Publié le 23 novembre 2010 à 18h45, modifié le 23 novembre 2010 à 20h03

Temps de Lecture 3 min.

Image télévisée d'un incendie sur l'île de Yeonpyeong, appartenant à la Corée du Sud, survenu après les bombardements nord-coréens du 23 novembre.

De nouveaux affrontements entre Séoul et Pyongyang ont causé la mort de deux soldats sud-coréens, mardi 23 novembre, sur l'île sud-coréenne de Yeonpyeong. Alors que les deux Corées s'accusent mutuellement de la responsabilité de ces attaques, et que la communauté internationale a condamné ces violences, Olivier Guillard, spécialiste des questions asiatiques à l'Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS), estime qu'il ne s'agit là que d'un épisode de plus dans la longue succession des "manœuvres militaires imprévisibles" de la Corée du Nord.

Quelle suite peuvent avoir les événements de mardi ?

Selon toute vraisemblance, nous ne sommes pas au début d'une deuxième guerre intercoréenne. Ce nouvel épisode des manœuvres militaires de la Corée du Nord a eu lieu sur la petite île de Yeonpyeong : certes, ce territoire fait l'objet de revendications depuis des années de la part de Pyongyang, qui en réclame la souveraineté. Mais il s'agit d'une île peu peuplée, sans infrastructures de défense ou industrielles, dont l'importance est plus symbolique que stratégique et qui n'est pas un réel objectif militaire.

Le bilan de ces affrontements, aussi grave soit-il, est beaucoup moins important que celui du naufrage du Cheonan. La disparition de ce navire, dont l'explosion en mars a causé la mort de soixante soldats sud-coréens, reste l'acte de guerre le plus grave survenu récemment entre la Corée du Nord et la Corée du Sud – si bien sûr Pyongyang en est bien responsable, comme l'en accusent Washington et Séoul.

Par contre, il s'agit d'une nouvelle preuve que les Nord-Coréens jouent dans le registre de l'imprévisible et du déraisonnable sur la scène internationale, et surtout dans le domaine de la force armée. Mais ce n'est pas une surprise : le régime de Kim Jong-il a déjà été capable d'utiliser des essais nucléaires pour de simples arrière-pensées diplomatiques.

La Corée du Nord a-t-elle besoin actuellement d'affirmer sa place sur la scène mondiale ?

Oui, et c'est selon le moi le principal message qu'il faut retenir de ce "coup de semonce", qui intervient au carrefour de plusieurs temps forts pour Pyongyang. Depuis lundi, des manœuvres interarmées, annoncées depuis cet été et mêlant des dizaines de milliers de soldats américains et sud-coréens, se produisent à quelques dizaines kilomètres seulement de l'île de Yeonpyeong. La Corée du Nord avait prévenu qu'elle voyait ces exercices d'un très mauvais œil, et qu'elle ne laisserait pas impunies ces manœuvres près du territoire national.

Ces dernières interviennent aussi au moment où se prépare la succession de Kim Jong-il, qui veut placer son fils, Kim Jong-un, à sa place. Ce dernier n'est pour l'instant qu'un jeune ignorant de 27 ans, tout juste promu général quatre étoiles et vice-président de la commission militaire du Parti. Mais depuis deux mois, le régime nord-coréen officialise son accession probable à la tête du pays, ce qui peut créer des interrogations sur la stabilité du régime, tant pour les 22 millions de Nord-Coréens qu'au niveau régional. Le signe vient d'être envoyé qu'au contraire, rien n'a changé, et que la Corée du Nord continuera d'être ce qu'elle est.

Ces affrontements entre les Corées interviennent également au moment où un scientifique américain, qui a pu se rendre sur des sites d'enrichissement d'uranium, a fait état d'un niveau de sophistication très avancé des installations nucléaires nord-coréennes...

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Ce dernier point n'est pas en mesure de réveiller véritablement les tensions. Pyongyang cherche au contraire, depuis quelques mois, à se réinsérer dans les pourparlers à Six [les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU avec la Corée du Nord] autour de ses équipements nucléaires, et de la menace qu'ils peuvent représenter pour la sécurité mondiale. Les Nord-Coréens avaient claqué la porte de ces négociations en avril, après la condamnation unanime qui avait suivi de nouveaux essais nucléaires. Mais depuis, ils s'activent pour reprendre leur place.

Ce n'est pas pour avancer fondamentalement sur ce sujet, mais pour être pris au sérieux et considérés d'égal à égal par les grandes puissances. Kim Jong-il ne supporte pas que le dossier Corée du Nord soit jugé moins important à la Maison Blanche que ceux de l'Afghanistan ou de l'Irak. Les bombardements de mardi prouvent qu'il est toujours capable d'appuyer sur le bouton armé pour faire entendre sa voix. Ils provoquent des condamnations unanimes, mais devraient surtout accélérer, en coulisses, la reprise du processus de discussion, lors des prochaines réunions de l'ONU sur le sujet nord-coréen.

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