Les écueils du plan B expliqués en Flandre

On l’attendait de pied ferme. Surtout en Flandre. Hier soir, l’émission Panorama de la VRT diffusait un reportage-documentaire intitulé "Le plan B, un scénario pour la scission de la Belgique". Pour rappel, le journaliste Ivan De Vadder s’est évertué à explorer les conséquences d’une scission du pays en interrogeant un panel de 11 experts universitaires.

M. Co.
Les écueils du plan B expliqués en Flandre
©D.R.

On l’attendait de pied ferme. Surtout en Flandre. Hier soir, l’émission Panorama de la VRT diffusait un reportage-documentaire intitulé "Le plan B, un scénario pour la scission de la Belgique". Pour rappel, le journaliste Ivan De Vadder s’est évertué à explorer les conséquences d’une scission du pays en interrogeant un panel de 11 experts universitaires. Chacun étant invité à expliquer les conséquences pratiques d’un divorce belge dans leur discipline respective. Dans le film, le journaliste s’étonne lui-même de la bonne volonté dont ses interlocuteurs ont fait preuve, estimant qu’il s’agissait là d’une démonstration que le plan B n’était plus un tabou en Flandre.

Que ressort-il de cet exercice inédit au nord du pays ? Et bien que la scission, c’est bien joli mais pour le moins irréaliste à court terme. Le prix à payer, y compris pour la Flandre, serait beaucoup trop élevé. Il y a unanimité pour dire que si scission il y a, elle passera par une négociation longue et ardue entre les deux communautés. Les spécialistes ne s’attardent pas sur la difficulté programmée d’un partage de la dette de la Belgique. Sur base de quels pourcentages ? La question reste posée. Que faire de la SNCB alors que 50 % de son personnel est francophone et que les francophones ne pourraient revendiquer que 40 % des moyens financiers actuellement attribués aux chemins de fer fédéraux ? Comment se partager les quelque 1500 bâtiments qui appartiennent à l’Etat fédéral ? Sans doute sur base de leur localisation, répond le film. Toutes ces questions se heurtent à une réalité : il n’existe, au plan international, aucune règle préétablie pour dissoudre un Etat. La négociation est donc inévitable.

Et ce processus pourrait durer des années, fragiliserait le pays sur les marchés internationaux et risquerait par conséquent de faire grimper les taux d’intérêt des emprunts que le ou les États seraient amenés à contracter. Le spécialiste interrogé évoque un bond de 0,5 à 1 % qui coûterait la bagatelle de 2 milliards d’euros à la Flandre. Le film explique également les tracasseries administratives (relativisées par les partis séparatistes) que rencontreraient les entreprises confrontées à plusieurs régimes fiscaux.

Et en sus, chaque Etat devenu indépendant n’y gagnerait pas en efficacité dans tous les domaines. Ainsi par exemple, une armée flamande ne serait qu’une armée croupion condamnée à s’associer à d’autres pays. Que dire du niveau de l’ex-football belge si les trois régions devaient se partager les quelques clubs du top du championnat national ?

Toutefois, les spécialistes, flamands pour la plupart, sont d’accord pour dire qu’en cas de divorce, la Flandre s’en sortirait sans doute mieux que la Wallonie et Bruxelles dont le problème principal est un trop faible taux d’emploi, relève le documentaire. La Flandre dispose d’infrastructures de premier plan comme le port d’Anvers, d’un tissu dense de PME et du littoral belge qu’elle serait naturellement amenée à gérer seule. Les entités francophones seraient au contraire enclavées sur le continent. Le film note au passage qu’il s’agirait pour la Flandre d’un gain territorial de 3400 km2. La Flandre résisterait, même sans obtenir la gestion de la capitale, en profitant pleinement de ces atouts.

Sur l’éventuelle scission de la sécurité sociale, Bea Cantillon (université d’Anvers) parle d’un "recul de civilisation" et ce même si la Flandre est théoriquement en mesure de se doter de sa propre Sécu.

Enfin, demeure évidemment le problème de Bruxelles. Le Panorama d’hier soir met face à face deux visions : un avenir indépendant de la Flandre ou de la Wallonie appelé de leurs vœux par les Bruxellois contre la création d’un condominium, ou une cogestion de la capitale, par les deux communautés. Une option qualifiée de "colonialiste" par Philippe Van Parijs (UCL). Et puis il y a ce danger fiscal pour la Flandre si, comme le veut l’usage en Europe, les travailleurs devaient payer leurs impôts sur leur lieu de travail. 5 % des contribuables flamands travaillant sur le sol bruxellois.

Au terme de cette heure d’interviews et de politique-fiction menée avec grand professionnalisme et objectivité par la VRT, le plan B prend une belle masse de plomb dans l’aile. Ce travail fut salué par les politiques, invités au débat qui prolongeait la diffusion de "Plan B". Olivier Deleuze (Ecolo) estimait par exemple que l’explication télévisuelle d’hier est de nature à mettre de l’huile dans les rouages du dialogue communautaire en mettant à mal certains "fantasmes" vivant encore en Flandre. Toujours en coulisse, Jan Jambon (N-VA), assurait que l’émission de la VRT ne devrait pas nuire à la popularité de son parti.

Vous êtes hors-ligne
Connexion rétablie...