Attention ! Un mystérieux syndrome qui pousse ses victimes à se débarrasser de leurs vêtements en public sévit dans l’île. A la veille de la nouvelle année, un tel message aurait eu son utilité pour ceux qui se rendaient à Singapour. Une épidémie d’exhibitionnisme a en effet récemment déferlé sur la cité-Etat. Comment l’expliquer ? Une gé­nération libérée serait-elle en train de bousculer la prude Singapour ? Le gouvernement a depuis longtemps pour ambition de faire de l’île un lieu de bouillonnement culturel capable de rivaliser avec les plus grandes capitales. Ces dernières années, Singapour a vu son vœu de notoriété partiellement exaucé mais pas forcément de la manière attendue.

Entre le cas d’une collégienne qui vendait ses dessous sur Internet et celui d’un jeune professeur stagiaire surpris avec des jeunes filles de 12 et 15 ans, c’est avant tout la multiplication des cas de nudité en public qui a retenu l’attention des Singapouriens. Un homme d’une vingtaine d’années s’est ainsi présenté dans le plus simple appareil pour commander un café dans un fast-food (on a refusé de le servir). La police a interpellé un quadragénaire en tenue d’Adam assis sur le trottoir dans un quartier de la périphérie. Une femme s’est délestée de tous ses vêtements avant de monter à bord d’un bus. Comme elle refusait de se couvrir, le chauffeur lui a enjoint de s’asseoir au fond avec les femmes, loin des hommes, en attendant l’arrivée de la police. Ces incidents ont tous eu lieu depuis la mi-décembre et les vidéos en ligne ont été visionnées plus de 50 000 fois. De son côté, Felicia, une adolescente, vendait ses petites culottes sur Internet à 45 dollars singapouriens [26 euros] pièce. “J’ai porté chacune d’elles pendant au moins douze heures”, certifiait-elle. Total des ventes : 12 exemplaires.

“Les habitants de Singapour ont perdu la tête ! Ils ne supportent plus leurs vêtements”, écrivait Jeff Mills, un expatrié, peu avant Noël. “Dans ce pays plus connu pour les semi-conducteurs et les châtiments corporels, le nombre des cas d’exhibitionnisme a explosé ces derniers temps.” Ce phénomène est en réalité en expansion depuis 2007. Aujourd’hui, on constate en moyenne un cas tous les deux jours en dépit de la menace d’une amende de 2 000 dollars [1 200 euros] et de trois mois d’emprisonnement. Selon les chiffres officiels, 105 cas ont été enregistrés au cours des six premiers mois de 2010, contre 166 en 2009, 146 en 2008 et 136 en 2007. A Singapour, la pornographie est prohibée et une certaine ambivalence règne à l’égard de la nudité. Les autorités souhaitent promouvoir les arts pour permettre à la ville de devenir un grand centre culturel à l’instar de Londres ou New York. Mais elles n’hésitent pas à interdire les œuvres jugées trop licencieuses, comme ce fut le cas en 2007 quand elles ont refusé qu’une galerie commerciale expose un nu féminin dans un espace public. “La scène artistique joue la sécurité en s’abstenant des thèmes controversés, et les artistes évitent délibérément les sujets sensibles, comme la politique et le sexe”, relève un observateur.

Du coup, ce sont des citoyens anonymes qui cherchent à faire bouger les choses. Une plage nudiste a par exemple été réclamée. “Puisque les gens veulent se balader à poil, qu’ils le fassent à l’écart des enfants”, écrit un blogueur. De plus en plus de jeunes femmes sont également enclines à poser nues sur la Toile – en se soumettant au classement des internautes. Une pornographie artisanale émerge ainsi, mettant généralement en scène de jeunes filles naïves qui se font filmer nues pour leur petit ami. Plusieurs d’entre elles ont été choquées de voir que leur vidéo circulait sur Internet et qu’elles étaient à leur insu devenues des stars du porno soft [plus hard : un homme de 28 ans est aujourd’hui poursuivi pour avoir publié sur Internet 507 vidéos X, dont 480 le mettant en scène avec diverses femmes]. Après quarante années de carcan, une nouvelle génération cherche donc à rattraper le retard. Selon la marque de préservatifs Durex, les jeunes de Singapour commencent de plus en plus tôt leur vie sexuelle. Ils perdent leur virginité en moyenne à moins de 18 ans et demi – bien avant leurs voisins. Quant aux Singapouriennes, 18 % d’entre elles font désormais le premier pas, une proportion nettement supérieure à celle qui est constatée dans le reste de l’Asie, selon un sondage du magazine américain Time.