César, Oscar, BAFTA.. rien n'échappe à l'incontournable Alexandre Desplat.

César, Oscar, BAFTA.. rien n'échappe à l'incontournable Alexandre Desplat.

L'Express

L'attaché de presse d'Alexandre Desplat est catégorique: "Pas plus de vingt minutes. Il est très occupé. Je compte sur vous." Deux problèmes, donc. D'abord, vingt minutes d'entretien au téléphone, c'est court pour une page. Surtout, approcher un individu se trouvant à l'autre bout de la planète, à Los Angeles en l'occurrence, n'est pas chose aisée. Il va falloir se débrouiller, mais l'homme le mérite. Alexandre Desplat est le compositeur français le plus demandé au monde. Pas loin d'être le compositeur le plus demandé au monde tout court.

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Cette année, il a écrit les partitions de cinq films présentés à Cannes. Un record. Jacques Audiard, son complice de la première heure, Wes Anderson, Matteo Garrone, Gilles Bourdos et Laurent Bouzereau l'ont choisi pour mettre en musique leur travail. Pour être très prisé, il n'en reste pas moins, à 50 ans, une énigme, se dérobant derrière l'extrême diversité des histoires qu'il met en notes. Harry Potter et Les reliques de la mort, La Fille du puisatier, The Tree of Life, Le Discours d'un roi... Plus de 80 films à son palmarès. "Je n'analyse pas ce qui m'arrive, soupire-t-il, gêné. Je suis très loin de ces considérations. Mon travail m'impose une vie quasi monacale. Le succès est simplement une petite douceur qui vient se poser par-dessus."

On insiste, il faut faire vite. La première raison est, en fait, assez simple. Quand d'autres compositeurs sont arrivés au cinéma sur le tard, lui a toujours entretenu sa passion de la musique au cinéma. Sa première rencontre ? "Spartacus, de Kubrick. Je me souviens de la mélodie d'Alex North et de sa reprise par Bill Evans comme quelque chose d'assez sidérant." Il avait 5 ans. Alexandre Desplat est donc d'abord un grand cinéphile. "Je connais ce qui a façonné l'histoire du cinéma et je sais utiliser la musique avec ses enjeux dramaturgiques en ligne de mire". Sur De rouille et d'os, par exemple, Jacques Audiard lui donne comme indication: "Le personnage doit avoir une humble grandeur." Pas évident à retranscrire en croches, on en conviendra. Et pourtant, fort d'une étroite collaboration depuis Regarde les hommes tomber, Alexandre Desplat parvient à faire advenir cette humble grandeur. "Tout est affaire de placement. C'est très technique." Sans doute.

Une pléthore d'influences, qu'il insuffle dans ses films

La versatilité, ensuite. Fils d'un père français et d'une mère grecque, Alexandre Desplat a hérité d'une culture musicale décloisonnée. "J'ai écouté tout et rien. Rien et tout. Autant l'école française du XXe, Debussy et Ravel, que la musique cubaine, brésilienne ou africaine." Une pléthore d'influences qu'il peut insuffler librement dans ses films. Une liberté qui permet de contrebalancer les innombrables contraintes, de la correspondance avec les images à la rapidité d'exécution, avec laquelle il sait négocier. Alexandre Desplat parle de son art "appliqué", insiste-t-il, avec l'amour d'un artisan. Intarissable lorsqu'il s'agit d'évoquer des enjeux très techniques, comme le placement des aigus pendant un dialogue, il vénère aussi le travail collectif. "L'humilité qui en découle est aussi sûrement ce qui plaît aux Américains", précise-t-il. Aujourd'hui, il s'inscrit sans rougir dans la lignée des compositeurs Maurice Jarre et Georges Delerue, ses idoles. Réaliser à l'âge adulte son rêve d'enfant : la preuve d'une vie réussie, en somme.

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