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Corinne Lepage : "La décroissance n'est pas porteuse d'espoir"

L'écologie est une solution, pas une punition, estime la députée européenne et présidente de Cap 21, qui assiste aux journées d'été de Nantes.

Par Corinne Lepage, députée européenne et présidente de CAP 21

Publié le 20 août 2010 à 11h00, modifié le 23 août 2010 à 12h02

Temps de Lecture 4 min.

 Corinne Lepage, lors du congrès du MoDem en 2009.

Si l'écologie politique décide d'être le porteur de la décroissance et d'un projet défini comme avant tout anticapitaliste et antilibéral, alors elle ratera le coche de l'Histoire qui propose au monde multiple de l'écologie politique d'être le passeur d'une civilisation à une autre, et ce grâce à un projet de transition.

Les drames climatiques de l'été ont une fois de plus illustré ce que sera le monde du changement climatique avec ses tragédies individuelles et ses risques collectifs. Pour autant, le prochain sommet sur le climat à Cancún s'annonce très mal !

Certes, les menaces économiques font planer les plus grands doutes sur la reprise. La faiblesse de la création d'emplois, la persistance d'un chômage à deux chiffres et touchant, dans le monde entier, les jeunes de plein fouet rendent très pessimiste. Et pourtant, la transformation du système financier apparaît des plus modestes.

Mais le projet d'une décroissance, même qualifiée de prospère (ce qui est un oxymore du même ordre qu'une croissance durable), ne peut aucunement fédérer nos concitoyens et constituer un projet porteur d'espoir. D'ailleurs, les décroissants l'abandonnent progressivement.

Dans un ouvrage, Prospérité sans croissance. La transition vers une économie durable (De Boeck, "Planète en jeu", 248p., 17euros), Tim Jackson, de la Commission du développement durable du Royaume-Uni, propose d'abandonner le terme et l'idée pour proposer un autre modèle, proche de ce que j'ai appelé l'évolution soutenable.

Plusieurs changements sont nécessaires : il faut avant tout passer d'un modèle économique à deux dimensions (travail et capital) à un modèle macroéconomique à au moins trois dimensions, introduisant le principal facteur de rareté issu de la finitude de notre planète. Il est également indispensable de modifier notre rapport au travail.

Dans le système actuel, le travail est avant tout un coût de production qu'il convient de réduire pour les entreprises, et le moyen d'assurer son existence, qu'il convient donc de conserver coûte que coûte, pour le travailleur.

En prenant la dimension sociale du travail comme un des éléments d'existence dans une société, on ajoute une nouvelle valeur à ce travail. Le travail devient une valeur sociale centrale du modèle macroéconomique qu'il faut à tout prix préserver, développer, voire partager.

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Mettre l'emploi au cœur des politiques permet de poser les questions de revenu disponible et de statut des individus dans la société. Mais il implique aussi de changer le rapport à l'entreprise et cesser les amalgames entre les entrepreneurs et le casino de la finance.

Il faut enfin changer notre manière de consommer pour aller vers un acte raisonné où le service rendu, à savoir la satisfaction du besoin réel, et la façon dont ce produit ou ce service est obtenu sont les principaux paramètres du choix.

La macroéconomie soutenable redonne au politique son rôle et ses droits, celui d'un investisseur de long terme, cependant que le capitalisme évolue vers un capitalisme entrepreneurial. Dans cette conception, l'idée de décroissance a disparu et laisse une place à l'innovation et au progrès, à la recherche d'un bien-être collectif, à de nouvelles activités en lien avec le territoire et la réhabilitation de l'entreprise en lieu et place de l'ingénierie financière.

A l'écologie politique de porter ce projet comme un projet de transition, qui respecte la réalité mais nous met en ordre de bataille pour un projet collectif capable de résoudre les contradictions dans lesquelles nous sommes plongés.

A titre individuel, partagés entre les contraintes du quotidien et la prise de conscience des changements du monde. Mais aussi, à titre collectif, tiraillés entre les nécessités du court terme et de la compétition internationale (qui existe même si on ne peut que regretter la compétition entre Etats), et du long terme, de la justice intra et intergénérationnelle.

Notre vocation est de pousser à la construction, avec nos concitoyens et non dans des cénacles partisans quels qu'ils soient, d'un projet qui propose des solutions concrètes aux besoins de notre pays. Nous devons, coûte que coûte, réconcilier le possible et le souhaitable, faute de quoi nous rendrons impossible le souhaitable et détestable le possible.

C'est ici et maintenant que nous pouvons y parvenir, en nous dotant de nouveaux instruments de mesure, en dehors du PIB, en particulier sur l'évolution de l'emploi et celle du patrimoine collectif, humain et environnemental. Ils permettront de mesurer la soutenabilité, la santé, le bien-être, l'éducation…

Ces instruments permettront aussi de changer l'évaluation des politiques publiques, de reconvertir les industries du XXe siècle et de favoriser le tissu des PME et non des "champions nationaux". Nous faisons le contraire ! Ils permettront enfin d'aborder la question de la dette en différenciant l'investissement (y compris dans la plus grande richesse qui soit : les humains) du fonctionnement.

Nous devons faire du "bien-vivre" un objectif partagé qui repose sur la sécurité humaine. L'intégrité de la personne ne se divise pas et inclut la santé, la protection contre les risques naturels et technologiques, les accidents de la vie autant que la protection indispensable contre les violences en tous genres, à commencer par celles faites aux femmes.

Cette société de transition que nous devons porter, qui rend possible le souhaitable, n'est envisageable que dans le cadre d'une gouvernance publique et d'entreprise profondément rénovée, dans une République à laquelle nous sommes fiers et heureux d'appartenir, dans la reconquête de l'espoir d'une vie meilleure.

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