Nicolas Sabourin vient de fermer son site Tintin.qc.ca, sous la pression de la Fondation Hergé. Cette dernière dénonce, elle, la "solution tapageuse" choisie par le webmaster bénévole.
Dessin retouché et affiché en home de tintin.qc.ca (DR)
Le 24 avril dernier, Nicolas Sabourin recevait un avis de Moulinsart SA (dénomination officielle de la Fondation Hergé) l’enjoignant à "faire le nécessaire" pour que son site, créé dès 1995, soit rendu conforme à leur Charte d’utilisateur de l’oeuvre d’Hergé sur internet.
Tintin.qc.ca était, selon son auteur, basé au Québec, "le tout premier site web en français consacré à Tintin". C’était aussi l’un des premiers sites francophones à avoir ouvert, aux débuts du web.
Selon Nicolas Sabourin, la charte de la Fondation Hergé l’obligerait à demander une foultitude d’autorisations écrites et à retirer de son site nombre d’images, notamment toutes celles qui ont été modifiées, tronquées ou détourées.
L’auteur devrait également supprimer l’espace téléchargement et les bonus qu’il offre, ainsi que tous les liens vers des sites ne respectant pas ladite charte.
Enfin, Nicolas Sabourin devrait ne plus parler des parodies "que la Fondation juge nuisibles" ou encore des suites "non-officielles" données aux oeuvres d’Hergé...
Tintinophile, tintinologue, pas "utilisateur"
La Fondation Hergé a accordé à Nicolas Sabourin un délai de huit jours pour se mettre en conformité avec la charte.
"Après tout le temps que j’ai passé à enrichir mon site par pure passion pour Tintin, écrit Sabourin sur son site, je me sens trahi par la Fondation Hergé. Plutôt que de me plier à ces conditions absurdes, je préfère m’en tenir à mes principes et retirer le site du web."
L’auteur du site rappelle aussi quelques évidences, en tant que webmaster bénévole autant que passionné : "Je suis un tintinophile, un tintinologue, pas un ’utilisateur’ de Tintin. (...) Je crois que l’oeuvre d’Hergé ne peut passer à la postérité que si l’on en parle, en bien ou en mal."
Nicolas Sabourin appelle désormais les internautes à protester auprès de la Fondation Hergé, au nom d’une certaine conception de l’internet : "Je crois en un web indépendant, affranchi des marques de commerce, de la commandite et de la censure des ayant-droits".
L’occasion que j’attendais pour fermer le site
Yves Février, webmaster et responsable multimédia de Moulinsart SA, dément avoir voulu fermer le site et regrette la "solution tapageuse" choisie par Sabourin : "Nous reconnaissons la qualité du site de Nicolas, avance-t-il dans un e-mail reproduit sur le site. Sachez toutefois qu’il y a plus de 100 000 pages sur Tintin qui sont dans l’illégalité totale et dont la qualité est très discutable et critiquable. Cet état de chose nous a forcé à établir une charte qui est la même pour tout le monde."
Contacté par Transfert, Yves Février avance avoir passé une partie de la nuit à répondre à un certain nombre d’e-mails "témoignant d’une certaine agressivité".
"Ce qui nous intéresse, c’est de fédérer les sites, et s’il y en avait bien un site qui pouvait faire partie de notre communauté, c’était bien celui-là", se défend Yves Février. Reconnaissant la qualité du site et de son contenu, il trouve la démarche de Sabourin "inélégante et de mauvaise foi", e-mail de Nicolas à l’appui.
En réponse à l’injonction de Moulinsart SA, Nicolas Sabourin aurait en effet répondu : "Ça tombe très bien, vous me fournissez l’occasion que j’attendais pour fermer le site, attendez-vous à recevoir quelques courriers d’internautes mécontents."
Contacté par Transfert, Nicolas Sabourin répond avoir écrit cela "sur un ton sarcastique par frustration et dépit. Je savais bien que tôt ou tard la Fondation, par les conditions qu’elle essaie d’imposer à tous les passionnés de Tintin, n’allait me laisser d’autre choix que de défigurer mon site ou de le fermer."
"Ce n’est pas moi qui invente les lois et les règlements, rappelle Février. Je ne peux pas donner plus de droits aux gens que ce qui existe, mais je veux bien les aider à trouver un modus operandi".
Ainsi, Yves Février affirme qu’un accord devrait bientôt être trouvé, entre Moulinsart SA et Frédéric Mourot, l’éditeur des défunts tintin.net et tintin.org. Ces deux adresses, qui renvoient aujourd’hui au site officiel, avaient précédemment fermés, suite à une démarche de la Fondation Hergé. Nous ne savons pas sous quelles conditions, et ce qui, du site original, devra être corrigé ou amputé.