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Mais où sont passés les climato-sceptiques ?

Les climato-sceptiques ont un peu disparu des médias ces derniers temps en France. Mais, dans le monde anglo-saxon, ce courant de pensée reste bien structuré et influent.

Par Yann Verdo

Publié le 11 sept. 2015 à 16:33

Le réchauffement climatique, dont parlent à présent tous les principaux chefs d’Etat, et l’approche de la COP 21 censée adopter des mesures pour le contenir en deçà de 2 °C auraient-ils fait fondre le climato-scepticisme comme neige au soleil ? C’est du moins l’impression que l’on pourrait avoir en France, où les vrais-faux duels savamment mis en scène entre « pro- » et « anti- » font de moins en moins la couverture des magazines. Une situation qui tient pour beaucoup au fait que le géophysicien et ancien ministre de l’Education nationale Claude Allègre, de loin le plus médiatique et le plus flamboyant des climato-sceptiques tricolores, a quasi disparu de la circulation depuis l’accident cardiaque dont il a été victime début 2013.

Mais qu’on ne s’y trompe pas. Outre­Atlantique, où le climato-scepticisme ne repose pas sur une poignée de scientifiques volontiers non-conformistes, la partie est loin d’être gagnée. « Le climato-scepticisme que nous connaissons ici n’a rien à voir avec celui du monde anglo-saxon, qui est beaucoup plus virulent, beaucoup mieux organisé et surtout extrêmement politisé, voire idéologisé », note le climatologue et membre de l’Académie des sciences Hervé Le Treut. L’an dernier, un sondage réalisé aux Etats-Unis par le Pew Research Center avait révélé que 80 % des sondés s’affichant comme démocrates reconnaissaient ­l’origine anthropique du changement ­climatique actuel, contre seulement 10 % des républicains.

Fluctuations du soleil

Comme le créationnisme, avec lequel il partage certains traits, le climato-scepticisme ne rencontre pourtant – et depuis longtemps – plus aucun écho dans la communauté scientifique directement concernée, celle des climatologues. En 2013, une méta-étude publiée dans les « Environmental Research Letters » a consisté à passer au crible près de 12.000 résumés de recherches menées par plus de 29.000 chercheurs entre 1991 et 2011. Résultat : parmi les 3.896 articles qui prenaient position sur les causes du réchauffement climatique des cinquante dernières années, 97,1 % appuyaient le consensus selon lequel celui-ci était dû à l’activité humaine.

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Quelques années plus tôt, une autre étude réalisée par deux chercheurs de l’université de l’Illinois avait montré que les ­doutes ne venaient pas, pour l’essentiel, des climatologues eux-mêmes, mais des spécialistes d’autres disciplines connexes, comme la géologie. Ce qui est bien le cas de Claude Allègre, mais aussi du climato-sceptique le plus bruyant à l’Académie des ­sciences française, le géophysicien Vincent Courtillot, ou encore du thermodynamicien François Gervais, lequel a récemment publié aux éditions Albin Michel un ouvrage au titre éloquent, « L’Innocence du carbone ».

Résumée à gros traits, la thèse de Vincent Courtillot est que le réchauffement constaté peut très bien s’expliquer par la variabilité naturelle du climat, et notamment les fluctuations d’activité du soleil, sans qu’on ait besoin de mettre en cause l’accumulation dans l’atmosphère terrestre du CO et du méthane, les deux principaux gaz à effet de serre, en partie produits par l’activité humaine.

Les climatologues ne remettent évidemment pas en cause l’impact du soleil sur le climat de la Terre – ce serait parfaitement absurde ! – mais soulignent, avec le Giec, que les différents cycles de notre étoile (le cycle de base étant de onze ans) ne peuvent venir que moduler faiblement, à la hausse comme à la baisse, l’effet de serre produit par le CO et le méthane, mais nullement se substituer à celui-ci pour expliquer le réchauffement. « Aujourd’hui, explique Hervé Le Treut, les gaz à effet de serre émis par l’homme sont tels que leur impact sur le climat mondial est d’une force équivalente à celle de l’ensemble des facteurs naturels de variabilité climatique, qu’il s’agisse des mouvements des océans et de l’atmosphère ou des cycles solaires. C’est ce qui rend la situation actuelle si délicate à analyser correctement. »

Carottages de glace

La science du climat est éminemment complexe et ses conclusions, rarement simples, peuvent prêter à confusion, que ce soit de bonne foi ou pour alimenter la machine à fournir des argumentaires des clima­to-sceptiques anglo-saxons, comme la désormais fameuse histoire du « Groenland vert » (lire ci-dessous).

Ces dernières années, des carottages très profonds ont été réalisés en Antarctique pour « lire » le climat du lointain passé de la Terre, la glace de la banquise pouvant être vue comme une sorte de réfrigérateur ­conservant en l’état les échantillons d’atmosphère de toutes les époques. Certaines de ces études ont donné du grain à ­moudre aux climato-sceptiques militants. Ceux-ci se sont en effet emparés du fait – avéré – que les carottages montraient que l’élévation de température précédait de quelques centaines d’années une hausse de la teneur en CO, d’où ils ont conclu que ­celle-ci ne pouvait être la cause de celle-là. Pour eux, c’est l’évaporation atmosphérique causée par le réchauffement qui fait augmenter le CO et non l’inverse. Conclusion hâtive… et trompeuse.

Sur le temps long de la géologie, la première cause des changements climatiques est l’évolution des paramètres astronomiques – la façon dont la Terre tourne autour du Soleil et sur elle-même, son inclinaison par rapport à l’écliptique, etc. Mais ces « forçages » (comme disent les climatologues) astronomiques n’agissent pas seuls ; à leurs effets s’ajoutent des rétroactions de toutes sortes. Ainsi, il est tout à fait possible d’imaginer qu’un changement dans l’inclinaison de la Terre ait, à une époque donnée, davantage exposé l’un de ses pôles – mettons, le pôle Sud – aux rayons du soleil. Le réchauffement de cette région et l’évaporation ­consécutive augmentent la teneur en CO de cet hémisphère. Mais ce gaz circule et gagne l’autre hémisphère, qu’il réchauffe à son tour, par effet de serre cette fois. Il y a eu rétroaction.

Les raccourcis simplificateurs et ten­dancieux des climato-sceptiques exaspèrent les climatologues orthodoxes, qui n’y peuvent mais. « J’en veux aux climato-sceptiques et aux médias d’avoir confisqué le mot de ­“sceptique” à leur seul usage, regrette Hervé Le Treut. Tout chercheur digne de ce nom devrait s’afficher comme sceptique, puisque le doute est l’essence même de la démarche scientifique. Mais pour autant, nous ne ­pouvons passer notre temps à ressasser des débats techniques qui ont été tranchés depuis longtemps et sont désormais ­enseignés en masters. Que nous débattions, oui ! Mais à condition que ce soit sur les vraies questions. » En clair, sur les enjeux (éco­nomiques, sociaux, politiques…) du réchauffement et les mesures à prendre pour le limiter. Espérons que la COP 21 sera l’occasion de le faire.

Yann Verdo

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