Florent Emilio Siri ne dédaigne pas les grands écarts. Il peut à la fois signer un premier long métrage sur deux copains mineurs dans le Nord (Une minute de silence, 1998) et partir à Hollywood tourner un fim d'action à 50 millions de dollars avec Bruce Willis (Otage, 2005). En matière de goût musical, il est également capable de tourner des clips avec quelques-uns des plus grands groupes de rap, puis de signer un biopic de Claude François, artiste dont la contribution à la création musicale reste sujette à débat. Il est entendu que la carrière du chanteur (né le 1er février 1939 en Egypte, mort le 11 mars 1978 à Paris) dépasse le seul registre musical pour atteindre un phénomène populaire d'une rare ampleur sur la scène française (67 millions de disques vendus).
C'est donc avec une vraie curiosité qu'on attendait le Cloclo de Florent-Emilio Siri, pour savoir à quelle sauce (hagiographique ? critique ? psychologique ? extatique ? politique ?...) le cinéaste accommoderait l'idole chantante, notamment après les récents succès de La Môme (2007), d'Olivier Dahan, ou de Gainsbourg vie héroïque (2010), de Joann Sfar. Le résultat est à la fois décevant et, plus encore, déconcertant. L'un des principaux facteurs de ce trouble est lié à l'antipathie que suscite le personnage tel que le film le reconstruit.
Quel portrait ! Obsédé par le succès et jaloux de celui des autres. Taraudé par une volonté de maîtrise qui lui fait piétiner ses collaborateurs et humilier ses proches. Apre au gain au point de se lancer dans les affaires pour y faire fructifier à la fois son image et son argent. Jaloux maladif avec ses petites amies, fils ingrat dès lors que sa mère risque de nuire à sa carrière, père absent utilisant l'image de ses enfants à des fins mercantiles. Tant de biopics souffrent de leur complaisante mièvrerie qu'on s'en voudrait de reprocher à Florent Emilio Siri d'avoir eu l'honnêteté de dépeindre les zones d'ombre du personnage.
Mais pour le coup, on cherche en vain la lumière qui nous permettrait de mettre cette ombre en perspective, comme l'a récemment fait, par exemple, Clint Eastwood avec Edgar Hoover. Rien ne vient, hélas, sauver Cloclo. La psychologie ? Réduite à un unique ressort, réglé dans un prologue égyptien digne de Tintin : la soif de revanche sociale consécutive à la perte de statut d'une famille d'expatriés, déchue de ses privilèges par le méchant nationalisme égyptien. L'inspiration artistique ? Réduite à une série de démarquages de la scène anglo-saxonne par un garçon qui a pour lui le sens du rythme, le goût de la perfection et, plus encore, celui du marketing. La mise en scène du film ? Une série de vignettes illustrant la chronologie des grands moments de la vie du chanteur foudroyé par une lampe électrique.
Reste, évidemment, l'aspect cosmétique du film. Jérémie Renier campe un cloclo à s'y méprendre, Benoît Magimel fait passer sous ses prothèses un plausible mais laconique Paul Lederman, Joséphine Japy est une France Gall sans reproche. Aussi réussie soit l'opération, elle n'est pas suffisante. A la différence de son modèle, et sans doute faute d'avoir percé ce mystère, Cloclo met en scène un "mal-aimé" qui ne parvient pas à se faire aimer.
LA BANDE-ANNONCE
Film français de Florent-Emilio Siri avec Jérémie Renier, Benoît Magimel, Monica Scattini. (2 h 28.)
Sur le Web : www.studiocanal.fr.
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