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Trois millions de spectateurs pour une nuit à l'opéra

Succès des retransmissions en direct dans les salles de cinéma. Le 7 avril, l'Opéra de New York propose "Manon".

Par Marie-Aude Roux (New York, envoyée spéciale)

Publié le 05 avril 2012 à 14h20, modifié le 05 avril 2012 à 14h42

Temps de Lecture 5 min.

Visuel d'annonce de la diffusion en live de

"S'il te plaît, dessine-moi un opéra en live et en HD !" : Peter Gelb (58 ans) l'a fait dès sa prise de fonction, en août 2006 au Metropolitan Opera de New York en lançant "The Met : live in HD", une série d'opéras diffusée en direct et en haute définition. L'idée lui a été suggérée alors qu'il était encore à la direction de Sony Classical, par son ancienne directrice du marketing, Julie Borchard-Young. L'initiatrice du fameux concert londonien de David Bowie diffusé en direct le 8 septembre 2003 dans 88 salles de cinéma et 20 pays supervise aujourd'hui au Met la distribution mondiale du "Live in HD".

Le 30 décembre 2006 donc, coup d'envoi avec une version abrégée de La Flûte enchantée par Julie Taymor. Six saisons plus tard, les résultats prouvent que Peter Gelb a eu raison de négocier d'une main de fer avec les syndicats du Met. Si le nombre d'opéras diffusé a seulement doublé (6 en 2006, 12 en 2012), le nombre de pays "touchés" a explosé, passant de 8 à 54, répartis sur six continents. Idem pour les salles de cinémas (de 248 à 1 700) et le nombre de spectateurs (de 325 000 en 2006 à près de 3 millions aujourd'hui). L'aspect financier même est une aubaine : "Une fois les frais déduits, soit un million de dollars par diffusion, le bénéfice pour le Met la saison dernière a été de 12 millions de dollars", dit Peter Gelb. Au sommet de la vague, après les Etats-Unis et ex aequo avec le Canada, la France, qui aurait rapporté à elle seule en 2011 quelque 2 millions d'euros au Met. "Pour la première fois, nous avons pu élargir considérablement le public sans amoindrir la qualité des spectacles", triomphe Peter Gelb qui se réjouit de "pallier en partie le déficit des coûts de production en hausse constante, alors que la jauge des salles ne varie pas".

Le 7 avril, la Manon, de Massenet, mise en scène par Laurent Pelly sera la 56e diffusion de "The Met : live in HD" depuis 2006. Elle fait partie des onze productions stars choisies parmi les 26 opéras présentés cette saison.

Enthousiasmant pour le public, le direct exerce cependant sur les chanteurs une pression supplémentaire, dont certains se passeraient volontiers, ce d'autant que les défraiements sont loin d'être en rapport avec l'ampleur du phénomène. "Au début, on n'était pas payés du tout. Aujourd'hui, cela reste symbolique", lâche Natalie Dessay, qui répète en ce moment La Traviata montée par Willy Decker, laquelle sera à l'écran le 14 avril. Pour Manon, la cantatrice française, qui vient de chanter le rôle dans la production calamiteuse de Coline Serreau à l'Opéra de Paris, se contentera d'être la "host", l'animatrice de la soirée, et de tendre le micro à sa collègue, Anna Netrebko.

Anna Netrebko dans

La star autrichienne d'origine russe, habituée des photos de mode et de publicité, est une des premières à avoir expérimenté le "Live in HD" dans Les Puritains, de Bellini, en janvier 2007. "Les caméras ne changent pas la manière de chanter mais certaines habitudes, s'exclame-t-elle. Impossible, par exemple, de jeter un coup d'oeil au chef d'orchestre si vous êtes en gros plan dans un duo d'amour !" La coquette "Manon" prend plaisir à jouer avec la caméra. Elle a d'ailleurs visionné la vidéo de la répétition générale du 23 mars, rectifié tel geste, tel effet de maquillage, voire suggéré des changements d'éclairages. "Quand je me suis vue au premier acte, j'ai été horrifiée. Je suis censée jouer une gamine de 15 ans et j'en paraissais 40 !"

Le metteur en scène Laurent Pelly a dû quitter New York au lendemain de la première du 26 mars. Le direct du 7 avril ? Il le verra comme tout le monde, dans un cinéma en France. "Mon travail de metteur en scène n'est pas infléchi par la perspective des caméras", affirme-t-il sans s'inquiéter pour autant, assurant même avoir été agréablement surpris par la diffusion le 26 avril 2008 de sa Fille du régiment, de Donizetti, un succès repris au Met après Covent Garden. Même flegme pour le chef d'orchestre, Fabio Luisi, qui ne changera rien à sa direction : "Le travail de réglage est fait en régie par les techniciens", précise celui qui a en ce moment sous la baguette pas moins de six opéras - Manon, La Traviata et les quatre opéras du Ring de Wagner mis en scène par Robert Lepage.

Du côté de l'équipe technique (une soixantaine de personnes), on a suivi les répétitions et pris des notes. Le Met dispose pour Manon d'une dizaine de caméras haute définition : une sur chariot robotisé au proscenium, deux grandes caméras sur bras articulés de chaque côté de la scène, une autre placée à l'arrière et six caméras fixes disposées où l'on veut. Il y a aussi une "steadicam" et une caméra de poche ("handheld") pour saisir les artistes en coulisses ou dans leurs loges.

D'ailleurs, le réalisateur, Gary Halvorson, n'est arrivé sur place que le 2 avril. "Deux jours pour apprendre la partition, deux jours pour étudier la mise en scène et savoir où je veux placer les caméras. Une discussion avec Laurent Pelly et le chef cameraman. Puis une répétition et c'est le direct !"

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Cet ancien pianiste étudiant à la Juilliard School est aussi le réalisateur de sitcoms à succès comme "Friends", dont il a tourné 56 épisodes, ou "Everybody loves Raymond". Il signera avec Manon sa 30e diffusion de "The Met : live in HD". "Mon travail reste le point de vue du spectateur - celui de ma mère dans le Minnesota. Je dois rendre intelligible une histoire tout en respectant le travail du metteur en scène."

Le 7 avril, Gary Halvorson aura un script de plusieurs centaines de plans, une partition parfaitement annotée. "Ce qui est excitant par rapport à un tournage classique, c'est que tout peut être bouleversé à chaque instant en fonction de ce qui se passe sur scène, comme dans les compétitions de sport, dont nous utilisons l'équipement technique, explique-t-il. Ma liberté d'écriture est dans la "zone de défense" : les caméras sont prêtes mais ne savent pas à quel moment elles vont devoir filmer. C'est un peu comme improviser au piano."


Sur le Web : www.pathelive.com et www.metoperafamily.org.

Et aussi une présentation de Peter Gelb sur le site du Metropolitan Opera de New York.

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