Nichée dans un repli du bocage limousin, la Ferme de Villefavard (Haute-Vienne) est un espace de résidences musicales et théâtrales (une dizaine par an), de master classes (Aldo Ciccolini, Jean-Claude Pennetier...), de concerts et d'enregistrements en studio (Brigitte Engerer, Michel Corboz, Anne Queffélec...). Elle est aussi l'épicentre du Festival musical du Haut-Limousin, qui anime chaque été depuis treize ans les bourgs alentour. Y ont en outre participé les pianistes François-René Duchâble et Alexandre Tharaud, le violoniste Pierre Amoyal, les quatuors Modigliani et Ebène... Martin Kubich oeuvre pour les deux ; il est chargé de développement de la Ferme et directeur artistique du festival. "Je jongle en permanence entre les deux structures", dit-il. Signe particulier : il n'a que 28 ans.
La Ferme de Villefavard est une utopie surgie du XIXe siècle : une exploitation agricole modèle, à l'ample architecture façon phalanstère, créée en 1902 par un pasteur suisse, Edouard Maury, venu rejoindre les fidèles de cette enclave protestante en pays plutôt mécréant. Un siècle plus tard, elle est restée visuellement égale à elle-même, mais elle a changé de vocation : elle est entièrement dédiée à la musique.
L'initiative en revient au chef d'orchestre Jérôme Kaltenbach, à son épouse Annie Baud, professeure de mathématiques à l'Ecole des mines, et à son cousin Gilles Ebersolt, architecte, propriétaires et occupants du lieu. Jérôme, arrière-petit-fils du créateur de la Ferme, mène une carrière internationale. Annie assurait la continuité des activités, en dépit d'un cancer qui a fini, en 2010, par la vaincre. Quelques mois plus tard, Jérôme a fait appel à Martin Kubich.
"Projet fou"
"Je connaissais bien la Ferme, précise celui-ci, j'y étais venu en invité." En voisin aussi : cinq ans plus tôt, il avait créé, à Saint-Benoît-du-Sault (Indre), bourg-frontière médiéval entre Berry et Limousin, le Festival des Bouchures (les haies, en dialecte local), en forme de "randonnées musicales" dans les sentiers du coin. C'est une de ces randonnées qui l'avait amené au Festival du Haut-Limousin, et qui avait séduit Jérôme Kaltenbach. "Je suis arrivé en terrain préparé."
Avec aussi une expérience déjà solide, et baignée de musique. Formation de chant lyrique aux conservatoires d'Aubervilliers et de Paris, deux saisons professionnelles, dont une à l'Opéra-Comique. "Et puis j'ai dû abandonner, pour raisons de santé. Le chant demande une condition physique que je n'avais pas." Il crée sa propre compagnie, Tutti Arti (aujourd'hui basée à Saint-Benoît-du-Sault), puis reprend une formation d'administrateur de spectacle vivant à l'université de Nanterre.
"A Villefavard, je n'ai pas eu demal à trouver mes marques, explique-t-il, toute l'histoire de la Ferme est baignée de musique."
Le fondateur Edouard Maury a d'emblée équipé le temple du village d'un orgue Cavaillé-Coll, aujourd'hui classé monument historique. Sa fille, la violoniste Juliette Ebersolt, y crée en 1947 les Concerts spirituels de Villefavard et y invite, entre autres, son beau-frère le chef d'orchestre Charles Munch et le violoniste Yehudi Menuhin.
C'est en 2002 que la Ferme se réaménage pour devenir le centre qu'elle est aujourd'hui. "Un projet fou, sourit Martin Kubich, personne n'y croyait. La réussiteest due à l'esprit collectif qui anime l'entreprise." Jérome Kaltenbach oriente la ligne artistique, l'équipe en assure au quotidien la continuité et le développement. Une équipe légère, deux permanents seulement, lui-même et l'administratrice Elisabeth Liobet ; leur emploi, "associatif mutualisé", est assuré grâce à la région.
Son rôle, c'est de "maintenir la haute exigence musicale et l'esprit de création" de la Ferme. Mais aussi, au-delà de son impact national, de l'enraciner de plus en plus dans son environnement : "J'aime ce territoire rural et je crois à l'importance sociale et pédagogique de la musique." Villefavard accueille des scolaires, s'ouvre aux centres aérés, aux maisons de retraite, travaille avec le Centre spécialisé pour mineurs en difficulté sociale du chef-lieu de canton Magnac-Laval, accueille, en résidences périodiques, les adolescents du CREA (Centre d'éveil artistique) d'Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). Avec pour objectif constant, conclut Martin Kubich, "l'excellence pour tous".
Sur DailyMotion : un reportage sur Villefavard dans l'émission "Bienvenue en Limousin" réalisée par demaintv.
Sur le Web : www.fermedevillefavard.com.
Et aussi une série de vidéos disponibles sur le site de Villefavard.
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