Cavalleria Rusticana - Pagliacci

de Pietro Mascagni -Ruggero Leoncavallo

Opéra Bastille, Paris Jusqu’au 11 mai

Inséparables sur les scènes du monde depuis plus d’un siècle, Cavalleria rusticana et I Pagliacci (Paillasse) font leur entrée en diptyque, à l’Opéra de Paris (1). Cavalleria y est donné d’ailleurs pour la première fois. Ces deux ouvrages sont souvent présentés comme les archétypes de l’opéra vériste, genre musical et littéraire italien de la fin du XIXe siècle (lire ci-dessous).

L’action du premier a la Sicile pour cadre, celle du second la Calabre, un jour de fête religieuse, ici Pâques, là l’Assomption. Chacun s’achève sur le sacrifice de victimes de la jalousie et du sens de l’honneur, propres à l’Italie du Sud… Venue du Teatro Real de Madrid où elle a été créée et captée pour le DVD en 2007 (2), la production fusionne les deux ouvrages, le prologue d’I Pagliacci introduisant la soirée, unique élément marquant de la mise en scène de Gian Carlo del Monaco.

Un « I Pagliacci » plus accompli

Une foule de silhouettes noires envahit ensuite un paysage blanc percé de blocs laiteux figurant la Sicile, cadre de Cavalleria rusticana dont le déroulement s’avère bien vide de substance, les protagonistes étant livrés à eux-mêmes. Violeta Urmana (Santuzza) surcharge le trait de la femme trompée. La voix est dure, le timbre perçant. Piètre comédien, Marcello Giordani est un Turiddu criard. Franck Ferrari campe un Alfio primaire, mais la voix sonne bien en dépit d’aigus déclinants. Stefania Toczyska, qui brilla à Orange dans le même rôle de Lucia, et Nicole Piccolomini (Lola) répondent aux exigences de leurs emplois.

I Pagliacci est heureusement plus accompli. Dans une scénographie tranchée, la mise en scène semble enfin libérée. Le décor est dominé par deux grands panneaux représentant Anita Ekberg dans la mythique scène de la fontaine de Trevi de La Dolce Vita de Fellini. Ils encadrent un théâtre ambulant. Voix d’abord fatiguée, Vladimir Galouzine (Canio) se métamorphose face à son ardente compagne, la superbe Nedda de Brigitta Kele, féline et lascive au timbre brûlant. Sa radieuse présence stimule chaque protagoniste, tandis que Florian Laconi (Beppe) est un rai de lumière parmi les êtres sordides entourant l’incandescente Nedda.

La direction musicale de Daniel Oren est si brusque et tonitruante dans Cavalleria qu’elle contraint l’orchestre à une touffeur monochrome et pousse les chanteurs à rivaliser de cris pour se faire entendre ! La conception du chef israélien change heureusement dans I Pagliacci, beaucoup plus incarné même s’il y manque un peu de fluidité et de transparence.