Il fallait faire un effort : oublier la magistrale reprise d'Einstein on the Beach jouée le week-end du 17 et 18 mars au Corum de Montpellier pour apprécier l'Orlando Paladino, de Joseph Haydn (1732-1809), présenté dans le même temps au Châtelet.
Si le patron du théâtre parisien, Jean-Luc Choplin, a eu tort de priver Paris d'Einstein on the Beach (Le Monde du 16 mars), il propose ici une partition d'une richesse incroyable. Car Orlando Paladino, créé en 1782 à Esterhaza, abonde de prémonitions mozartiennes - de Don Giovanni à La Flûte enchantée, alors même que le jeune Wolfgang, âgé de 26 ans, n'a encore écrit, fors ses opéras de jeunesse, qu'Idomeneo et L'Enlèvement au sérail.
Ce n'est pas la première fois qu'on s'attache à mettre en scène de "manière loufoque et déjantée" un opéra baroque, dont les livrets rocambolesques fourmillent de dieux tombés sur la tête, de monstres, de princesses amoureuses et de chevaliers aux pouvoirs surnaturels. Et cet Orlando Paladino, tiré du Roland furieux de L'Arioste, est pain bénit avec son héros serial killer et fou d'amour.
La production berlinoise montée en 2009 pour le bicentenaire de la mort d'Haydn - mise en scène de Nigel Lowery, sous la direction de René Jacobs - était déjà dans cette veine (DVD chez EuroArts). Cette année-là, le Châtelet avait embauché Kamel Ouali pour une création : La Pastorale, de Gérard Pesson. Il y avait déjà des moutons qui sautaient comme des lapins autour d'une bergère. Reste que le savoir-faire de l'ex-chorégraphe de la "Star Academy" est sans conteste au-dessus de ce qu'on voit habituellement sur le plan chorégraphique à l'Opéra. Argument supplémentaire ? Des danseurs et danseuses bien en chair. Mais de plastique avantageuse à plasticien, le coup de poker est celui de l'iconoclaste Nicolas Buffe, dont les décors et costumes - vaste fresque mêlant mangas, cartoons et jeux vidéo - transforme le "dramma eroicomico" d'Haydn en une suite de numéros entre cirque et music-hall. C'est coloré, tonique, souvent drôle, tout en ne ridiculisant pas les passages plus élégiaques.
Montagnes russes
Dans la fosse, l'Ensemble Matheus, sous la direction de Jean-Christophe Spinosi, ne regrette pas sa sixième année de résidence au Châtelet. Tandis que sur le plateau se meut avec aisance une distribution vocale jeune et avenante : les jambes de la princesse Angelica (Ekaterina Bakanova) ont fait au moins autant sensation que ses vocalises.
Du Rodomonte samouraï de Joan Matin-Royo au Medoro trouillard de Pascal Charbonneau, de la magicienne Alcina (magnifique Anna Goryachova en Cruella des 101 dalmatiens) à l'Orlando de théâtre kabuki chanté par Kresimir Spicer, de la piquante Raquel Camarinha (mignonne Eurilla en cuissardes Shrek) à son Mister Bean sauce BD (Bruno Tadda en Pasquale), tout est vif, brillant, coloré. A la sortie, on a un peu le mal de coeur de qui a trop fait de montagnes russes, mais on a passé un bon moment - et les enfants en redemandent.
Sur YouTube : une vidéo de présentation des différents personnages d'Orlando Paladino par la chaîne de télévision du Théâtre du Châtelet.
Egalement disponible sur YouTube une série de vidéos de répétitions de l'opéra d'Haydn, Orlando Paladino, au Théâtre du Châtelet.
Orlando Paladino, d'Haydn. Théâtre du Châtelet, Paris 1er. Le 19 mars. Prochaines représentations les 21, 23 et 25 mars à 20 heures. Tél. : 01-49-52-50-50. De 15 € à 90 €.
Sur le Web : chatelet-theatre.com.
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