Encadré de cheveux bruns coupés au carré, le délicat profil d’Hélène Klimt par son oncle Gustav orne la pochette du dernier enregistrement de la violoniste Isabelle Faust (1). Tendre écho à Manon Gropius, décédée alors qu’elle n’avait que 18 ans, « ange » à la mémoire de laquelle Alban Berg dédia son unique concerto pour violon.

« L’œuvre commence de manière très terrestre, très concrète, par le portrait de Manon suivi du drame de sa maladie et de sa mort. Mais elle s’achève en plein ciel avec la citation d’un choral de Bach, remarque Isabelle Faust. Dans notre disque, cette libération se prolonge dans leconcerto pour violon de Beethoven que le chef d’orchestre Claudio Abbado n’avait encore jamais enregistré. Je suis très heureuse qu’il m’ait fait l’honneur de me demander de jouer avec lui et son Orchestre Mozart… »

On comprend que le maestro italien accorde sa vision musicale spirituelle et lumineuse, profonde mais sans aucune lourdeur, à celle d’Isabelle Faust. Maîtrise souveraine, clarté de la sonorité et flexibilité du phrasé caractérisent le jeu de la violoniste allemande. Ennemie de tout débordement égotiste, elle affirme sa riche personnalité, concert après concert, disque après disque, avec une constante et rayonnante intégrité.

« J’adore explorer des univers différents, mais seulement si la musique me parle »

« Ce qui correspond le mieux à ma nature, c’est la musique de chambre. J’aime retrouver son esprit même au sein d’un orchestre. Je n’apprécie guère de me mettre en avant et ne suis jamais aussi épanouie que dans le dialogue avec chacun de mes collègues. »

Le remarquable duo violon-piano qu’elle forme avec son complice Alexander Melnikov s’est récemment remis à l’ouvrage autour d’un programme de six sonates de Weber à paraître bientôt : « Des miniatures ravissantes et pleines d’humour. Il faut réhabiliter cette musique délicieuse. »

Si elle excelle aussi bien dans les sonates et partitas de Bach, dont le second volume doit sortir à l’automne 2012, Isabelle Faust a également recueilli de légitimes lauriers grâce à ses interprétations de Brahms et Bartók, Dvorak, ou encore de Ligeti, dont l’extraordinaire concerto pour violon l’inspire. « J’adore explorer des univers différents, mais seulement si la musique me parle, car, comme on dit chez moi, “on ne peut pas danser à tous les mariages !” »

Et de citer à nouveau l’exemple inspirant de Claudio Abbado, la ferveur de son engagement auprès des jeunes artistes, l’émotion unique qui saisit les musiciens à son contact. « Avec lui, on se dit que chaque concert est unique, à la fois bouleversant, libre et festif. La musique prend son envol. Et nous avec ! »