Soupçons de corruption, diplomatie parallèle, guerre, ventes d’armes, témoins en fuite ou réduits au silence : le dossier est explosif. Un an après la mort de Mouammar Kadhafi, plusieurs députés de la majorité demandent la création d’une commission d’enquête parlementaire sur les relations franco-libyennes, de la « lune de miel » entamée en 2005 avec la dictature, jusqu’à la chute du régime en 2011.
Ils sont socialistes ou écologistes, occupent des postes clés au sein des commissions des affaires étrangères ou de la défense nationale et ont saisi leur président de groupe de l’urgence d’investigations à mener par l’Assemblée nationale sur ce dossier, à l’évidence le plus lourd de l’ancienne présidence.
François de Rugy, président du groupe écologiste et membre de la commission de la défense nationale, a d’ores et déjà fait savoir qu’il approuvait sans réserve la démarche : « Sans que le parlement ait à se substituer à la justice sur ce qui a pu se passer avec la Libye, c’est un sujet politique. Le parlement n’a pas à s’interdire ce type d’enquête que l’on croit être des domaines réservés auxquels on ne touche pas », confie-t-il à Mediapart.
« Sur Kadhafi, il y a eu un retournement complet de la France qui a la particularité d’avoir eu lieu sous la même présidence et sous le même gouvernement. La venue de Kadhafi en France, le tapis rouge qu’on lui a déroulé en décembre 2007, notamment à l’Assemblée nationale, fut une pantalonnade complète. Et quelque temps après, Sarkozy change de pied ? On est en droit de s’interroger sur un tel revirement », poursuit le député de Loire-Atlantique.
Pouria Amirshahi, député des Français de l’étranger (qui a la Libye dans sa circonscription) et secrétaire de la commission des affaires étrangères, est au Parti socialiste le plus ardent défenseur d’une enquête parlementaire sur les dessous des relations franco-libyennes sous Kadhafi : « On est passé du baiser honteux, qui ressemblait à de la prostitution, à la poudre, à la guerre. La question d’une éventuelle corruption est évidemment très présente », dit-il.
Il ajoute : « Mais au-delà de l’argent sale, l’irresponsabilité de Sarkozy pèsera lourd sur la région. On l’a accueilli en grande pompe, on lui a fait la guerre et maintenant on laisse la région dans le chaos. » Bruno Le Roux, le président du groupe PS, qui a été sensibilisé personnellement par le député Amirshahi sur la question franco-libyenne, n’a pas donné suite à nos sollicitations.
Nicolas Bays, député socialiste du Pas-de-Calais et vice-président de la commission de la défense nationale, pense de son côté qu’« il y a aujourd’hui des questions qui se posent et qui engagent l’image de la France. La France a fait plus qu’outrepasser le mandat de l’Onu pendant la guerre », souligne-t-il.
Noël Mamère, député de Gironde et membre de la commission des affaires étrangères, estime pour sa part qu’« une commission d’enquête est non seulement souhaitable mais possible. Je m’engage à y travailler ». « Nous sommes face à un immense dossier qui peut se résumer en trois mots : “corruption”, “complicité” et “culpabilité” », déclare-t-il.
D’autres députés de la majorité (Razzy Hammadi, Arnaud Leroy, Sébastien Denaja, François-Michel Lambert, Sergio Coronado, Daniel Goldberg…) ont également fait savoir à Mediapart qu’ils étaient favorables à la création d’une commission d’enquête sur les secrets libyens de la présidence Sarkozy, qui sont aujourd’hui autant de bombes qui dorment au cœur de la République.