Présidentielle : la filière musicale présente ses doléances

Hadopi, diversité musicale, offre légale étaient au programme d'une table ronde avec les politiques. Le PS a avancé l'idée de quotas sur Internet…

Par Odile de Plas

Publié le 12 avril 2012 à 14h51

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 04h49

L'ennui guettait, et puis Hadopi est arrivé et l'habituelle guéguerre entre pro et anti a repris, avec son lot d'exagérations et de raccourcis savoureux (« les jeunes internautes qui piratent »). Mercredi 11 avril 2012, la filière musicale, réunie sous une nouvelle bannière, Tous pour la musique, recevait les représentants des candidats à la présidentielle. Objectif de la table ronde : obtenir de leur part des réponses concrètes pour soutenir une industrie musicale frappée par la crise. Terminées les dissensions internes, finies les querelles de clochers entre producteurs phonographiques, éditeurs, producteurs de spectacles et artistes… devant la gravité de la situation (50 % d'emplois supprimés en dix ans, Sony, qui vient d'annoncer 10 000 licenciements dans le monde…), l'industrie musicale fait front commun derrière Hadopi, plus déterminée que jamais à remonter la pente, pour peu que les pouvoirs publics lui garantisse « un cadre dans lequel prendre des risques », expliquait en préambule Stéphan Bourdoiseau, président de l'UPFI (Union des producteurs phonographiques français indépendants). Trois thèmes étaient à l'ordre du jour : amélioration de la diversité musicale dans la médias, développement de l'offre digitale légale, mise en œuvre du Centre national de la musique.

Ce CNM, qui rassemblerait toutes les structures d'aide et de soutien existantes (Centre national des variétés, Fonds d'action et d'initiative rock, Bureau export…) s'apparente à un guichet unique, inspiré du Centre national du cinéma. Comme lui, il serait financé par des redistributions (droits voisins, pourcentage de la billetterie…) et une partie de la taxe existante sur les fournisseurs d'accès à Internet. Confirmé par une loi cadre en janvier 2011, sa mise en place est prévue pour l'année 2013. Son utilité ne fait plus débat dans le monde de la culture, en dehors du Syndeac (représentant des scènes nationales principalement), qui redoute un démantèlement du ministère. Même consensus parmi les partis présents ce mardi (Front de gauche, EELV, Parti socialiste, UMP – invités, le FN et le Modem ne sont pas venus), qui reconnaissent tous l'intérêt du projet. A une réserve près : EELV s'inquiète de la transparence de gestion de ces établissements publics alors qu'un audit vient justement d'être demandé par le Sénat sur les comptes du CNC.

Consensus également au sujet de la diversité, doublé de quelques bonnes intentions : plus de francophonie ! Plus de découvertes ! De vraies émissions de variété ! Un CSA qui jouerait son rôle ! La gauche veut agir en amont (pour avoir de bons programmes, il faut créer le cadre, sortir de la culture de la rentabilité, attribuer équitablement les canaux de diffusion…). La droite en aval, qui titille les producteurs (« A vous de proposer des programmes créatifs : les Victoires de la musique sont décevantes ? Changez-les ! », suggère Franck Riester de l'UMP).

La surprise est venue d'ailleurs, d'une proposition de Christophe Girard (PS) : établir des quotas francophones sur Internet. Pas vis-à-vis de l'internaute (pour trois Beatles écoutés, un Bénabar d'office ?), mais sur les webradios et les mises en avant éditoriales sur les plateformes de distribution et de diffusion (achat ou streaming). « Une façon de diversifier l'offre faite aux internautes », a justifié le représentant du PS, soucieux également de rassurer la filière sur la suppression de l'Hadopi (« Elle sera transformée »). Sa proposition a rencontré un écho plutôt favorable dans l'assemblée. Elle ressemble fort pourtant à un verrou de plus posé sur Internet, avec le risque d'affadir un peu plus sa saveur à mesure que l'offre légale grandit. Quinze ans après la mise en place des quotas à la radio et à la télévision, le bilan est pourtant mitigé lorsqu'on se penche sur les chiffres de la filière. L'industrie musicale française existe encore (elle aurait disparu sans ces quotas, assurent les producteurs de disques), mais la diversité musicale n'a jamais été aussi faible qu'aujourd'hui à la radio et à la télé française, éteignant chaque jour un peu plus la création locale et la curiosité du public. Faut-il y voir un cercle vicieux ?

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