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Une "Métamorphose" en frères obscurs

Cinéastes secrets et ténébreux, les frères Quay adaptent Kafka dans un spectacle son et lumière.

Par Marie-Aude Roux

Publié le 19 mars 2012 à 14h56, modifié le 19 mars 2012 à 14h56

Temps de Lecture 2 min.

Une volée d'escaliers en colimaçon, dont le métal rouillé sonne mat sous les pas. Une porte qui s'ouvre sur deux géants blonds aux sourires identiques. Vous êtes chez Stephen et Timothy Quay, 64 ans, plasticiens baroques du clair-obscur, dont les films d'animation fascinent les initiés.

Le pianiste Mikhaïl Rudy est de ceux-là. Il est là pour régler les derniers détails du projet lancé avec eux : un "concert animé" autour de l'oeuvre de Kafka, soit l'adaptation en images de La Métamorphose sur une musique de Leos Janacek qu'il interprétera en direct, et dont la création aura lieu mercredi 21 mars à la Cité de la musique.

Il faut du temps pour pénétrer le "paradis secret" des jumeaux, sis Toulmin Street dans le quartier de Southwark. Un mélange de vide-grenier, de cabinet de curiosités et d'Arche de Noé, où s'enchevêtrent livres, dessins, tableaux, photos, poupées, marionnettes et automates. Les toilettes mêmes sont briquetées de milliers de cassettes. "Nous travaillons là depuis quarante ans. Nous y dormons aussi parfois", lâche Timothy.

"Au début, c'était une ancienne imprimerie complètement vide", ajoute Stephen. Le travail des Quay Brothers est devenu culte depuis Street of Crocodiles réalisé en 1986 (d'après une nouvelle de Bruno Schulz). Dix ans plus tard, L'Institut Benjamenta, premier long métrage avec des acteurs, a fait dire au réalisateur Terry Gilliam qu'il n'avait rien vu de plus beau "depuis ces 300 dernières années".

Mikhaïl Rudy a rencontré les Quay Brothers à Prague, autour du cinéaste surréaliste tchèque Jan Svankmajer, auquel les Quay ont consacré un documentaire, Le Cabinet de Jan Svankmajer (1984). Le pianiste français, d'origine russe, voulait réaliser une transcription de Petrouchka, de Stravinsky, avec des marionnettes. En 2010, il a recréé à la Cité de la musique Les Tableaux d'une exposition, de Moussorgski, dans la version picturale conçue en 1928 par Vassili Kandinsky (DVD Centre Pompidou).

Est alors venu le temps de La Métamorphose. Mikhaïl Rudy a joué Janacek, un contemporain de Kafka qui ne l'a jamais rencontré mais fréquentait les mêmes lieux et partage avec lui une "étrange poésie, peuplé de rêves érotiques et d'angoisse existentielle". Les deux frères ont fait des croquis, griffonné des indications scéniques, avant de se lancer dans la fabrication des objets et des marionnettes. "Le plus important est de préserver l'aspect artisanal de notre travail", rappelle Stephen. Ce décor de poupée, table et chaises peintes en blanc ? Les meubles de l'appartement du voyageur de commerce Gregor Samsa, qu'une nuit a transformé en insecte répugnant - une magnifique blatte en métal, aux élytres chatoyants, aux longues antennes.

Sur un ordinateur dernier cri, quelques images du montage en cours : un simple décor en biais, des jeux de lumière sous une porte, la silhouette d'une jeune femme au violon, disent sans paroles l'exclusion et la mort annoncée. "Tout est parti de la musique", explique Stephen en français. "C'est le scénario secret de notre travail", renchérit en anglais Timothy. Stephen poursuit : "Quand on n'est pas d'accord, on fait la scène de l'un, puis de l'autre, et on choisit ensemble celle qu'on garde."

Timothy montre le bas de femme peint qu'il a dû mettre sur sa tête pour jouer les parents Samsa : quelques traits noirs pour le père meurtrier, un toupet de cheveux pour la mère indigne. Les ex-Américains de Philadelphie ont définitivement rejoint la Mitteleuropa de Mikhaïl Rudy, qui poursuit à travers eux son rêve d'art total.


La Métamorphose. Cité de la musique, Paris 19e. Le 21 mars à 20 heures. Tél. : 01-48-88-48-88. De 20 € à 25 €.

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Sur le Web : cite-musique.fr.

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