Kevin Ayers, mort d'un baladin psychédélique

Kevin Ayers, cofondateur de Soft Machine, et figure du rock psyché britannique, est mort ce lundi 18 février 2013 en France, à l'âge de 68 ans. Nous l'avions rencontré en 1992, à l'occasion de la sortie de son disque solo “Still life with guitar”.

Par Hugo Cassavetti

Publié le 01 janvier 1992 à 18h05

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 10h52

Attablé au Café de Flore, Kevin Ayers n'est pas très à l'aise. « Mon univers, c'est plutôt un petit resto de couscous qui sent le graillon », confie le gracieux baba de 46 ans, aux allures de Jeff Bridges rustique. Qu'importe l'endroit, puisqu'il s'agit avant tout de célébrer les retrouvailles avec le dandy marginal, chef de file souterrain du rock progressif anglais.

Jusqu'en 77, date du punk. Le citoyen hippie, en disgrâce, s'exile. Un séjour dans le sud de la France avant de s'installer, il y a onze ans, à Majorque. Et de sombrer lentement dans l'oubli et la léthargie créative. « Il vient un moment, avec l'âge, où l'on a du mal à écrire sans se répéter. Du moins, quand on est sincère, qu'on s'expose. Dylan est si fort avec les mots... à croire qu'il est invulnérable. Pour écrire comme lui, il faudrait que l'on me brise le cœur trois fois par semaine ! De toute façon, il est temps que je quitte Majorque. C'est le plus beau cimetière du monde. Je n'ai même pas vu passer les années 80 ! »

D’où ce retour inespéré avec Still life with guitar, son quatorzième album réalisé avec le soutien de Mark Nevin de Fairground Attraction (déjà responsable du sauvetage de Morrissey), qui pourrait bien remettre au goût du jour l’Ayers rock. « J'ai refréné mon instinct pour les textes alambiqués et les musiques trop éclectique. J'ai tenté, pour la première fois, d'être plus accessible, sans sombrer dans le banal. En gros, je me suis contenté de saupoudrer d'étrange une poignée de titres de facture classique... » Une entreprise en grande partie réussie pour celui qui tente de rehisser l’étendard du rock excentrique britannique, force vive alternative unissant autrefois Peter Hammill, Kevin Coyne et Syd Barrett. Enrichi aujourd'hui par une magnifique voix de baryton qui rappelle étrangement· l'intensité d'un Leonard Cohen.

« C'est un honneur d'entendre évoquer tous ces noms à mon sujet. Je n'ai sûrement pas la stature d'un Cohen, mais Barrett, j'ai toujours été proche de lui. Nous avons démarré à la même époque. Pink Floyd jouait souvent avec Soft Machine. Au début, ce n'était qu'un blues band des plus banals. Et puis Syd, le seul créatif du lot, leur a montré la bonne direction. Il s'est retiré au moment où ils s'envolaient vers la gloire. Pendant ce temps, Soft Machine s'enfonçait dans le jazz rock intellectuel et moi je suis parti sur ma route solitaire. La différence entre moi et Barrett ou Nick Drake, c'est que j'ai continué. Entre le suicide et la démission, j'ai choisi une troisième voie, peut-être la plus difficile : chercher à se renouveler sans détruire son passé. Sans décevoir. »

A lire aussi, l'hommage de François Gorin à Kevin Ayers, qui avait lui consacré plusieurs billets de son blog disques rayés

Kevin Ayers (2)

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