Dépêche

Un "Parsifal" sanglant à l'Opéra de Lyon en coproduction avec New York et Toronto

L'Opéra de Lyon a accueilli vendredi soir la première d'un "Parsifal" de Wagner saturé d'hémoglobine, coproduit avec ses homologues de New York et Toronto, confirmant le dynamisme du deuxième opéra de France après Paris.

"Le sang sacré s'embrase", lance Parsifal (le ténor Nikolai Schukoff) à Kundry (la mezzo-soprano Elena Zhidkova) lors d'un deuxième acte saisissant où il repousse la séductrice, entourée de femmes en nuisettes blanches s'imbibant peu à peu de sang.

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Celui-ci est omniprésent dans cette mise en scène du Québécois François Girard: un filet de sang sépare la scène, telle une veine, avant de se transformer en une rivière ensanglantée dans laquelle les chanteurs pataugent au deuxième acte.

Ce goût du sang était déjà présent dans le film de François Girard "Le Violon rouge", odyssée d'un violon fabriqué par un luthier italien pour son fils à naître, qu'il vernira avec le sang de sa femme morte en couches.

Cette noirceur était déjà notable dans sa mise en scène de l'opéra "Emilie" de la compositrice finlandaise Kaija Saariaho, créé à Lyon en 2010.

Le réalisateur de "32 short films about Glenn Gould" n'en est pas à sa première mise en scène wagnérienne: en 2005, il s'était attaqué à "Siegfried" pour la Canadian Opera Company de Toronto, coproductrice avec le MET de New York de ce nouveau "Parsifal".

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Visible jusqu'au 25 mars à Lyon, il sera ensuite présenté du 15 février au 8 mars 2013 à New York, avant Toronto à la saison 2016-2017.

La rivière de sang centrale a été un "défi colossal", souligne dans une interview à l'AFP Serge Dorny, le directeur général de l'Opéra de Lyon, pourtant habitué aux prouesses techniques coûteuses, comme en 2010 quand le Québécois Robert Lepage avait transformé la fosse d'orchestre en piscine pour le "Rossignol et autres fables" de Stravinsky.

Ces exigences ont même obligé l'Opéra à repousser la première de "Parsifal", prévue mardi à l'origine.

"C'est un défi colossal, avec une rivière de sang cachée sous la scène au premier acte. Tout cela est très ambitieux", avec 240 personnes mobilisées pour cette représentation de plus de quatre heures, estime Serge Dorny.

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"La coproduction avec le MET a ajouté des exigences particulières et cela explique que nous nous sommes laissé un peu plus de temps", ajoute M. Dorny, dont la programmation est saluée par la critique.

Interrogé sur le passage de "Parsifal" par Lyon avant New York, Serge Dorny explique, modeste, que "cela les aide énormément que ce soit créé ici", invoquant un temps de répétition "quasiment inexistant" au MET.

"Nous avons pris le temps de construire le projet ici", ajoute-t-il, disant avoir plus de latitude à Lyon pour "la création". Au MET, "toutes les créations sont intégrées dans un schéma déjà bien chargé et pas nécessairement propice à la création", dit-il dans un sourire.

Sur la saison 2011-2012, Lyon en est à sa deuxième coproduction avec l'Opéra de New York, après "Le Nez" de Chostakovitch, dont la primeur avait été réservée au Festival d'Aix, son troisième coproducteur.

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Une ambition qui fait courir les rumeurs sur un départ vers d'autres horizons, comme l'Opéra de Paris, du Belge Serge Dorny, depuis près de dix ans à Lyon après un passage par le London Philharmonic Orchestra, même si l'intéressé se refuse à tout commentaire.

L'Opéra de Lyon a un budget de plus de 34 (bien 34) millions d'euros, qui le place en deuxième place en France, cependant loin derrière l'Opéra de Paris. "Non seulement l'Opéra de Lyon est le premier de sa classe -en qualité et en rayonnement (lors de tournées ou de coproductions)- des opéras de région, mais il tend à dépasser en intérêt artistique global la programmation de l'Opéra national de Paris", écrivait le Monde en janvier 2012.

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