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Marc Rich : mort d’un pirate

Pionnier du négoce des matières premières, le controversé trader était à l’origine de la création de Glencore Xstrata, le géant suisse du secteur.

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Publié le 27 juin 2013 à 11h56, modifié le 29 juin 2013 à 17h50

Temps de Lecture 3 min.

Marc Rich est décédé mercredi 26 juin, à l'âge de 78 ans, des suites d'une hémorragie cérébrale.

Décédé mercredi 26 juin, à l'âge de 78 ans, des suites d'une hémorragie cérébrale, l'ancien roi du pétrole Marc Rich était l'une des figures emblématiques du négoce des matières premières : la société Marc Rich + Co est à l'origine de la création de Glencore Xstrata, géant helvétique du secteur.

Marc Rich est né 1934 à Anvers dans une famille juive orthodoxe originaire de Pologne, réfugiée d'abord à Francfort puis, après l'avènement au pouvoir d'Hitler, dans le port flamand. Le 8 mai 1940, alors que la Belgique est envahie par l'Allemagne nazie, le couple et leur fils unique gagnent Marseille, pour s'embarquer sur un navire à destination de l'Australie. Le bateau est intercepté au large du Maroc et le groupe est interné à Casablanca. Grâce à l'entregent de du père polyglotte, la famille obtient un laissez-passer pour les Etats-Unis, où elle s'installe en 1941. Le nom d'origine, Reich, est "américanisé" en Rich.

Interrompant ses études à l'université de New York, Marc Rich entre en 1954 comme stagiaire chez le négociant en matières premières Philipp Brothers. Trader génial doté d'un incroyable flair, le jeune homme crée le marché du mercure.

"LES AFFAIRES SONT UN TERRAIN NEUTRE"

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En 1964, il devient directeur de la filiale espagnole de Philipp Bros, chargée des marchés émergents d'Afrique et d'Amérique du Sud. Le fait de vivre dans l'Espagne franquiste, ex-alliée du Führer, ne provoque pas d'états d'âme chez celui qui a échappé de peu à l'occupation nazie de la Belgique. "Les affaires sont un terrain neutre. Il est impossible de gérer une compagnie de négoce en vertu de sympathies pour un camp ou un autre" : cette philosophie simple le guidera tout au long de sa carrière.

Il a des fourmis dans les jambes. Prenant prétexte d'un bonus insuffisant, il claque la porte de Philipp Bros en 1974 avec trois collègues, pour créer l'enseigne Marc Rich + Co, installée à Zoug, paradis fiscal suisse. Le trader consacre la totalité de ses forces et de son imagination à la règle numéro un du métier : "Acheter au plus bas et vendre au plus haut." Sa réussite est fulgurante. Rivalisant avec les majors pétrolières, sa compagnie devient le premier opérateur indépendant contrôlant une production supérieure à celle du Koweït.

Les cheminements souterrains, les accointances politiques douteuses et le trafic d'influence assoient le pouvoir d'un pirate qui viole les sanctions internationales sabre au clair. Il achète du pétrole à l'Iran des ayatollahs, alors que le pays est frappé d'embargo et, sans se soucier des cinquante-trois employés de l'ambassade américaine pris en otage. La cargaison de brut acquise au rabais est aussitôt revendue aux prix du marché à l'Afrique du Sud en plein régime de l'apartheid et à Israël, deux pays boycottés par Téhéran. Ses liaisons dangereuses passent également par l'URSS, Cuba et l'Angola.

SA TÊTE EST MISE À PRIX PAR LE FBI

A New York, un jeune procureur, Rudolf Giuliani, futur maire de New York, lance un mandat d'arrêt contre Marc Rich pour fraude fiscale en 1983. Evitant de justesse la police lancée à ses trousses, ce dernier s'enfuit en Suisse. Sa tête est mise à prix par le FBI.

Les nuages s'amoncellent au-dessus de sa forteresse, la villa Rose, son domaine au bord du lac, à Lucerne. La chute du régime blanc sud-africain, la fin de l'URSS, l'émergence d'un nationalisme minier sur le continent noir sapent les revenus des intermédiaires. Les banques regimbent à financer un homme à la réputation sulfureuse, hors-la-loi aux Etats-Unis. Sa femme, Denise, le quitte en exigeant une énorme pension alimentaire.

Marc Rich est dos au mur. Face à la rébellion de son état-major, le 7 novembre 1994, il est contraint de céder sa participation majoritaire pour 600 millions de dollars à un groupe de barons qui forment Glencore. La dissidence est menée par son protégé, Ivan Glasenberg, aujourd'hui patron de Glencore Xstrata. D'autres "Rich boys" créent Trafigura ou se mettent à leur propre compte.

Au printemps 1996, une nouvelle société de négoce, baptisée Marc Rich & Co Investment, voit le jour. L'entreprise, qui vivote à l'ombre des grands de la profession, est vendue quelques années plus tard à l'oligarque russe Mikhaïl Fridman. Le fugitif monte ensuite une petite société de placements immobiliers.

Le 20 janvier 2001, le dernier jour de sa présidence, Bill Clinton amnistie Marc Rich, une décision très controversée obtenue par son ex-épouse, Denise, qui avait soutenu financièrement les démocrates à l'élection présidentielle américaine.

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