Portrait du producteur de court-métrage en aventurier engagé

Primé à Clermont-Ferrand, Frédéric Dubreuil est un producteur passionné, aussi bien côté court (quinze ans de métier) que côté long (les films de Sébastien Betbeder). En plus de vous faire découvrir son métier, nous vous offrons deux courts à voir, l'un qu'il a réalisé, l'autre qu'il a produit.

Par Aurélien Ferenczi

Publié le 05 février 2015 à 18h30

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 05h29

41 ans, dont quinze à faire du court. En décernant l'an passé le Prix Procirep du Meilleur producteur de court-métrage à Frédéric Dubreuil – « un peu un prix de camaraderie, précise-t-il, puisque ce sont les autres producteurs qui votent ! » – la profession a choisi de récompenser un artisan obstiné, passionné par le processus de création et volontiers engagé. Ainsi, chaque lauréat ayant droit à une Carte Blanche à Clermont, lui a choisi de montrer plusieurs courts qu'il a produits, via sa société Envie de tempête, mais aussi une série de films politiques – dont sa propre comédie revendicative, Jean et Monsieur Alfred, à voir ci-dessous. Le film Lundi CDI, de Patrice Deboosère, à voir également ci-dessous, montre bien la veine sociale de sa production.

Avant d'être producteur – et même pendant – Frédéric Dubreuil a été membre d'une une troupe de théâtre « d'agit-prop », issue du Théâtre de l'Epée de bois, mais aussi réalisateur : « c'est une force d'être passé par plusieurs métiers, ça me donne une vision un peu particulière, qui remet au centre le désir artistique. Je ne suis pas dans une recherche de profit, d'ailleurs je ne gagne pas bien ma vie. Mais je comprends les angoisses des réalisateurs, peut-être même un peu trop... »

En 2006, suite au rapport Rocca, le CNC, poussé par le ministère du Travail impose une plus grande transparence dans la production des courts métrages, et, notamment, l'obligation de payer les équipes, a fortiori quand le film a bénéficié d'aides publiques. « L'évolution a été positive, et je suis fier que ma société ait salarié depuis longtemps des centaines de technicens, comédiens, etc. Mais il y a des effets pervers : la prime au projet qui serait un bon coup, qui marcherait dans les festivals, plairait aux chaînes, etc. Le court est d'abord un univers d'avant-garde. »

“Nous, producteurs de courts, ne sommes pas forcément les bienvenus chez nos voisins du long”

Le court mène-t-il au long ? Parmi les cinéastes qui ont fait des courts chez Envie de tempête, on trouve des noms comme Emmanuel Gras, Olivier Jahan, Claude Duty, Patrice Deboosère, Jean-Gabriel Périot, qui ont fait ou vont faire des longs métrages. Mais pas au sein de la société... ! « Le passage à l'étage supérieur n'a jamais été une finalité absolue. Mon ambition a toujours été de soutenir des projets artistiques, court ou long, ça m'est égal. Par ailleurs, j'ai appris mon métier, j'ai mis du temps à être prêt pour le long métrage. Et nous, producteurs de courts, ne sommes pas forcément les bienvenus chez nos voisins du long... » Le système de financement très encadré ne favorise pas ce que Frédéric Dubreuil appelle « l'ascenseur social » : un nouvel entrant, cela signifie que les investissements sont à diviser encore un peu plus... « Mais si nous ne passons pas au long-métrage, comment les jeunes sociétés entreront-elles à leur tour dans le réseau du court... ? »

Finalement, c'est sa rencontre avec Sébastien Betbeder qui a été décisive : d'abord avec Les Nuits avec Théodore, en 2012, puis avec 2 automnes 3 hivers, en 2013. Sa sélection à Cannes (à l'ACID), son petit succès en salles changent la donne. C'est toujours avec Betbeder qu'il met en chantier ses prochains projets. Et quitte à passer au longs, voyons large : après Marie et les naufragés, qu'il tourne ces jours-ci (avec Pierre Rochefort, Eric Cantona, Vimala Pons), le réalisateur tournera en avril au Groenland Voyage à Kullorsuaq, la suite de son court-métrage Inupiluk, primé à Clermont en 2014. Du monde du court, Frédéric Dubreuil a gardé le goût du risque et des projets « coups de coeur » mis en chantier coûte que coûte... !

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