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Don Giovanni à l'Opéra Bastille

Don Giovanni de Mozart, mise en scène Michael Haneke, à l'Opéra Bastille. Opera/Opéra nat. de Paris/E. Mahoudeau

En 2006, Michael Haneke a transposé «Don Giovanni» dans le monde de la finance. Reprise et nouvelle donne.

Réinventer le pouvoir de séduction et le goût de la dévastation de Don Giovanni, les rendre sensibles à nos contemporains: c'est le pacte que Gérard Mortier avait passé avec le réalisateur Michael Haneke, gageant que les chefs-d'œuvre gardent urbi et orbi un message à délivrer pourvu qu'on les interroge avec les moyens du temps. Imposant son art du clair-obscur et de la cruauté, Haneke aussitôt transposait l'opéra de Mozart dans l'univers de la finance: l'argent permet aujourd'hui toutes les transgressions qu'autorisait autrefois la naissance.

Moquette épaisse, tour vitrée avec le vide à la fenêtre, celui de la City ou du World Trade Center, Don Giovanni en golden boy, Donna Anna en fille du patron, Zerline en technicienne de surface et, pour les «beaux masques», des Mickey aux grandes oreilles. Assez d'audace pour refaire de Mozart l'objet du scandale et le sujet de toutes les disputes. Et de Don Giovanni l'homme de toutes les convoitises: Peter Mattei l'incarnait et l'incarne encore dans cette reprise. Grand fauve avide de tous les plaisirs et de tous les sacrilèges, il possède jusque dans la voix la violence et le velours du rôle. Si, aujourd'hui encore, on le donne comme le meilleur interprète de Don Giovanni, on voit mal qui pourrait le remplacer dans la mise en scène d'Haneke. Loin d'être un séducteur sans foi ni loi, c'est un homme agressif, demi-fou, risquant sa puissance en surenchérissant dans l'outrage et le crime comme s'il cherchait qui pourrait l'arrêter: il viole la fille de son patron, couche Leporello sur un canapé après l'avoir embrassé sur la bouche, tue le Commandeur, fantoche en chaise roulante, se joue d'Elvira et de Zerline, et finit défenestré par ceux qui se font justice puisqu'on peut bien les invoquer. Il n'y a plus ni dieu ni diable.

Aux côtés de Peter Mattei, la nouvelle distribution est prometteuse: côté femmes, avec Patricia Petibon en Donna Anna, deux excellentes mozartiennes, Véronique Gens en Donna Elvira et Gaëlle Arquez en Zerlina. Côté hommes, David Bizic est Leporello. Réussira-t-il à faire oublier l'incroyable Luca Pisaroni?

L'avis de Jean D'Ormesson, rédacteur en chef du Figaroscope cette semaine. «J'ai trouvé ça assez bien, mais je suis contre le règne des metteurs en scène. C'est la grande tendance de faire moderne. Est-ce que c'est utile de changer? C'est une mode qui va vieillir assez vite. À force de vouloir faire des choses extraordinaires, on abîme tout. Les œuvres sont quand même liées à un décor et à une époque.»

Don Giovanni, Opéra Bastille, Place de la Bastille (XIIe). Tél.: 0892 89 90 90. Dates: du 15 mars au 21 avril.Places: de 5 à 180 €.

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