Brillamment et mondialement identifiée à l'«ère Dutoit», la Symphonie fantastique de Berlioz revient à l'OSM, cette fois sous la baguette de Kent Nagano, le successeur, et dans un contexte assez particulier.

Exceptionnellement, ce programme est donné quatre fois : trois fois à Montréal et une fois à Québec. Détail intéressant de petite histoire, le concert de mardi marque le 10e anniversaire, jour pour jour, du tout dernier concert de Dutoit avec l'OSM : c'était La Mer de Debussy les 26 et 27 mars 2002 et la fracassante démission le 10 avril suivant.

Il va sans dire que la Fantastique de Nagano bénéficie de la nouvelle acoustique de la Maison symphonique, principalement du côté des cordes, qui sont le coeur de l'orchestre. Les grondements pour ainsi dire palpables des contrebasses, le cliquetis des violons et altos «col legno» au finale, et jusqu'aux pizzicatos : tout possède une présence beaucoup plus forte qu'à Wilfrid-Pelletier. Même chose pour les deux glissandos très prononcés de la flûte et du hautbois et le dialogue mystérieusement interrompu du hautbois et du cor-anglais dans la Scène aux champs. Sans oublier le jeu de cloches, comme venant d'un autre monde puisqu'on l'a juché sur les hauteurs, proche des tuyaux du futur orgue.

Dans son ensemble, la conception de Nagano possède un grand souffle romantique; elle est souvent très poétique, mais elle n'est jamais terrifiante et, surtout, jamais vulgaire, comme chez tant d'autres. Au deuxième mouvement, Un bal, Nagano a rétabli la partie de cornetto ajoutée par après par Berlioz. Et, bien sûr, il fait les reprises aux premier et quatrième mouvements, amenant la partition à une durée de 55 minutes.

Il lance le concert sur une tumultueuse ouverture du Vaisseau fantôme, tel un grand wagnérien. Les 27 minutes qui suivent, avant l'entracte, sont une déception totale. Le violoniste russe Vadim Repin a enregistré le deuxième Concerto de Prokofiev avec Nagano en 1995 (avec le Hallé Orchestra de Manchester). Le disque révélait une approche pleine d'imagination. Tout cela a disparu. Si M. Repin se montre irréprochable sur le plan des notes - ce qui n'était pas le cas lors de son dernier passage ici ! -, il se limite hélas! à ces données élémentaires. Son Prokofiev n'est même pas mauvais : il est d'un terne absolu.

Les gens qui applaudissent à tour de bras n'ont manifestement jamais entendu le deuxième Concerto pour violon de Prokofiev. Or, il se trouve au sein de l'OSM, chez les premiers-violons, une musicienne qui a travaillé avec le créateur de l'oeuvre, Robert Soëtens. Elle s'appelle Marie Doré et je mettrais ma main au feu qu'elle en sait plus long sur cette oeuvre que celui qu'on a malheureusement invité à la jouer.

ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef d'orchestre : Kent Nagano. Soliste : Vadim Repin, violoniste. Mardi soir, Maison symphonique, Place des Arts; reprise jeudi et samedi, 20 h. Séries «Grands Concerts».

Programme :

Ouverture de l'opéra Der fliegende Holländer (1843) - Wagner

Concerto pour violon et orchestre no 2, en sol mineur, op. 63 (1935) - Prokofiev

Symphonie fantastique, op. 14 (1830) - Berlioz