Patatras ! Un metteur en scène a du succès : on se le dispute, on se l'arrache, on se le vole. Il choit. Ce n'est pas la faute à Voltaire mais au programmateur qui a (coproduction oblige ?) l'instinct grégaire, à l'artiste, que le plébiscite rend boulimique. Jean-François Sivadier, le champion de Madame Butterfly (de Puccini) en 2004, des Noces de Figaro (de Mozart) en 2008, le triomphateur - ô combien - du Carmen de Bizet en 2010, factotum déjà nettement moins inspiré dans La Traviata d'Aix-en-Provence à l'été 2011, vient de livrer son premier vrai ratage avec Le Couronnement de Poppée, de Monteverdi, présenté à l'Opéra de Lille.
Ficelles et procédés ont pris la place de la prédation joyeuse des débuts. Et quel ennui désormais que ces préambules avec acteurs déambulant à la recherche de leurs accessoires, se marrant, picolant, lançant des bisous en service commandé. Le spectateur est assis, le spectateur attend, le spectateur est spectateur. Bien malin qui dira pourquoi et pour qui la musique commence.
Registre capillaire
Car commence aussi la danse des vêtements criards jetés en boule, des tabourets qui ont la bougeotte, des fonds de scène à vue, des perruques qui tombent au moment où la femme vaincue s'avoue ... vaincue - hier Violetta dans La Traviata, aujourd'hui Octavie, l'impératrice répudiée dans Poppée. Le registre capillaire vend d'ailleurs souvent la mèche : celle du Néron peroxydé de Max-Emanuel Cencic a un côté saut du lit qui dit l'érotomane de pacotille. Rien d'étonnant à ce que le contre-ténor ait aussi, hélas, l'aigu en pétard.
Il serait injuste pourtant de dire que Sivadier n'a plus de théâtre : il y a le duo d'amour exhibitionniste de Néron et Poppée en plein Sénat provoquant le départ des tribuns choqués, le suicide du philosophe Sénèque au hammam dans les lumières miroitantes de Philippe Berthomé. Et puis il y a la musique et une belle distribution. La Poppée courtisane de Sonya Yoncheva, une bombe aux formes généreuses quasiment vêtue de sa seule et magnifique ligne de chant. La Drusilla enchanteresse d'Amel Brahim-Djelloul, l'émouvante Octavie d'Ann Hallenberg, hélas habillée en "Folle de Chaillot"... Dans la fosse, la direction sensuelle et subtile d'Emmanuelle Haïm à la tête de son Concert d'Astrée paie comptant son tribut au génie de Monteverdi.
Le Couronnement de Poppée, de Monteverdi. Opéra de Lille (59). Prochaines représentations les 16, 18, 20, 22 mars. Tél. : 08-20-48-90-00. De 5 € à 64 €. Opéra de Dijon (21), les 1er et 3 avril. Tél. : 03-80-48-82-82. De 5,50 € à 57 €.
Sur le Web : www.opera-lille.fr et www.opera-dijon.fr.
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