Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 3 février 2010, 08-20.176, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 10 juin 2008), que M. X... et Mme Y..., locataires d'un appartement, propriété de la société Logivie, qui avait été incendié et avait fait l'objet d'une interdiction temporaire d'habiter prononcée le 30 juillet 2004, ont conclu avec leur bailleur, le 11 août 2004, un nouveau contrat de bail portant sur un autre logement ; que, le 20 juin 2006, la société Logivie a délivré aux preneurs un commandement de payer visant la clause résolutoire, puis les a assignés en constatation de la résiliation de ce dernier bail, en expulsion et en paiement des loyers dus en vertu de ce bail ;

Attendu que la société Logivie fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes, alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article 1134 du code civil "Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites" ; que l'article L. 521-3 du code de la construction et de l'habitation dans sa version applicable à l'espèce prévoit qu'"I. En cas d'interdiction temporaire d'habiter et d'utiliser les lieux, le propriétaire ou (...) l'exploitant est tenu d'assurer l'hébergement décent des occupants, lequel doit correspondre à leurs besoins. (...) Le coût de cet hébergement est mis à la charge du propriétaire ou de l'exploitant. II. - En cas d'interdiction définitive d'habiter et d'utiliser les lieux, le propriétaire ou l'exploitant doit assurer le relogement des occupants. Cette obligation est satisfaite par la présentation à l'occupant de l'offre d'un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités (...) " et leur verser une indemnité destinée à couvrir les frais de réinstallation ; qu'il résulte de ces textes que si un "hébergement" par nature provisoire est imposé au propriétaire en cas d'interdiction temporaire d'habiter, le bail du logement frappé de péril étant seulement suspendu, rien n'interdit aux parties de convenir d'un "relogement" immédiat moyennant la conclusion d'un nouveau bail ; que, par suite, en jugeant que la société Logivie ne pouvait se prévaloir du nouveau contrat de location du 11 août 2004 qu'elle a conclu avec ses locataires, M. X... et Mme Y..., suite à l'interdiction temporaire d'habiter dont leur logement a fait l'objet, pour leur réclamer le paiement de loyers, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées par fausse interprétation ;

Mais attendu qu'ayant relevé, à bon droit, qu'en application de l'arrêté de péril du 30 juillet 2004 frappant les lieux d'une interdiction temporaire, la société Logivie était tenue de se conformer aux dispositions des articles L. 521-2 et L. 521-3 du code de la construction et de l'habitation, dans leur rédaction applicable en la cause, la cour d'appel, qui en a exactement déduit que la bailleresse était tenue d'assurer et de prendre en charge l'hébergement de ses locataires, a, en l'absence de renonciation explicite de ceux-ci à ce droit, justement retenu que la société Logivie ne pouvait se prévaloir du contrat de bail du 11 août 2004 ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
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PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Logivie aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile et 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Logivie à payer à la SCP Peignot et Garreau la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la société Logivie ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois février deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Logivie

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement du 22 août 2007 du Tribunal d'Instance de CHALON SUR SAONE ayant constaté la résiliation de plein droit du bail consenti par la société LOGIVIE à Monsieur X... et Madame Y... sur le logement et le garage situés ... à compter du 20 août 2006 et condamné ces derniers à payer à la société LOGIVIE la somme de 2.263,06 euros au titre des loyers et charges selon un compte arrêté au 20 août 2006 et en conséquence débouté la société LOGIVIE de ses demandes,

AUX MOTIFS QU' « en application de cet arrêté frappant les lieux loués le 30 janvier 2004 d'une interdiction temporaire d'habitation et d'utilisation, la société Logivie se devait de se conformer aux dispositions des articles L. 521-2 et L. 521-3 du Code de la construction et de l'habitation qui, dans leur rédaction en vigueur à la date du 30 juillet 2004, prévoient notamment que :
- le loyer principal ou toute autre somme versée en contrepartie de l'occupation du logement cesse d'être dû à compter du premier jour du mois qui suit l'envoi de la notification de l'arrêté de péril, jusqu'au premier jour du mois qui suit la date d'achèvement des travaux constatée par l'arrêté prévu au premier alinéa de l'article L. 1331-28-3 du code de la santé publique ou à l'article L. 511-2 du Code de la construction et de l'habitation,
- la durée résiduelle du bail à la date du premier jour du mois qui suit celle de l'achèvement des travaux constatée dans l'arrêté de péril est celle qui restait à courir au premier jour du mois suivant la notification de l'arrêté de péril,
- le propriétaire est tenu d'assurer l'hébergement décent des occupants, lequel doit correspondre à leurs besoins,
- le coût de l'hébergement est à la charge du propriétaire ;

Sur les conséquences liées à l'application de ces textes

Qu'eu égard aux dispositions d'ordre public cidessus rappelées, la société Logivie ne peut se prévaloir du contrat de location du 11 août 2004 ; qu'elle doit être déboutée de l'ensemble de ses demandes fondées tant sur l'inexécution des clauses de ce contrat que sur les dispositions de la loi du 6 juillet 1989 » ;

ALORS QU'aux termes de l'article 1134 du Code civil « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites » ; que l'article L. 521-3 du Code de la construction et de l'habitation dans sa version applicable à l'espèce prévoit qu'« I. En cas d'interdiction temporaire d'habiter et d'utiliser les lieux, le propriétaire ou … l'exploitant est tenu d'assurer l'hébergement décent des occupants, lequel doit correspondre à leurs besoins. … Le coût de cet hébergement est mis à la charge du propriétaire ou de l'exploitant. II. - En cas d'interdiction définitive d'habiter et d'utiliser les lieux, le propriétaire ou l'exploitant doit assurer le relogement des occupants. Cette obligation est satisfaite par la présentation à l'occupant de l'offre d'un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités … » et leur verser une indemnité destinée à couvrir les frais de réinstallation ; qu'il résulte de ces textes que si un « hébergement » par nature provisoire est imposé au propriétaire en cas d'interdiction temporaire d'habiter, le bail du logement frappé de péril étant seulement suspendu, rien n'interdit aux parties de convenir d'un « relogement » immédiat moyennant la conclusion d'un nouveau bail ; que, par suite, en jugeant que la société LOGIVIE ne pouvait se prévaloir du nouveau contrat de location du 11 août 2004 5 qu'elle a conclu avec ses locataires, Monsieur X... et Madame Y..., suite à l'interdiction temporaire d'habiter dont leur logement a fait l'objet, pour leur réclamer le paiement de loyers, la Cour a violé les dispositions susvisées par fausse interprétation.

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