Myung-Whun Chung affiche un sourire radieux. Ce moment, le chef sud-coréen de l'Orchestre de Radio France l'attend depuis très longtemps. Face à lui, derrière les violons, les hautbois ou les timbales, s'activent des musiciens venus de "l'autre partie de [sa] famille" : la Corée du Nord. Installés dans une salle de répétition des Ateliers Berthier, dans le 17e arrondissement de Paris, les virtuoses de l'orchestre Unhasu ("Voie lactée" en coréen) partagent les pupitres avec ceux de la formation de Radio France, que dirige Myung-whun Chung depuis 2000. Le 14 mars, les deux formations ont donné un concert commun, Salle Pleyel. Un aboutissement pour le maestro, qui cherche depuis toujours à réunir, grâce à la musique, ce peuple divisé. Lui, l'enfant du Sud, dont la mère vient du Nord. "Il n'y a pas un seul Coréen qui ne souhaite la réunification ou, au moins, un rapprochement", martèle-t-il.
En 2006, sa dernière tentative avait échoué. Myung-whun Chung avait été convié en Corée du Nord pour participer à un concert de la paix, annulé après de nouveaux essais nucléaires menés par le pays cette année-là. Mais cette fois, les 75 membres de l'orchestre Unhasu sont bien là. Encadrés par une quinzaine de compatriotes, dont des "guides touristiques" qui veillent à dissuader d'éventuelles défections. Les visages concentrés des musiciens suivent les mouvements de baguette du maître qui s'enivre, les yeux fermés, de la première symphonie de Johannes Brahms, oeuvre choisie pour l'occasion. Pour s'encourager entre chaque morceau, les uns applaudissent et les autres frappent leur archet sur le bord des pupitres. Pendant les pauses, Français et Nord-Coréens chuchotent et s'échangent les sourires gênés de ceux qui peinent à communiquer par la parole. Avant de tourner leurs yeux vers les partitions pour enfin se comprendre. "Cette fois, plus que jamais, je me rends compte de la magie de la musique", commente le chef d'orchestre.
Sur leur chemise et leur veste de costume ou de tailleur, les jeunes musiciens coréens - 20 ans de moyenne d'âge - arborent le pin's de rigueur, rond ou rectangulaire. Y figure, sur fond rouge, le visage de Kim Il-sung, fondateur et premier dirigeant de la Corée du Nord. L'orchestre Unhasu prépare également des morceaux traditionnels, joués avec le haegeum, petit violon posé sur les genoux, ou bien le kayagum, une sorte de cithare.
Myung-whun Chung ne compte pas s'arrêter là. "J'espère que ce concert commun ne sera que la première étape d'un long chemin, plaide-t-il. Sinon, cela ne veut rien dire." Son rêve : pouvoir, dès la fin de l'année, rassembler Nord et Sud-Coréens dans un même orchestre. "C'est en pourparlers, mais des blocages politiques demeurent", dit-il.
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