C'est une vidéo amateur, assez potache. Elle montre une fausse conférence de presse sur la liberté d'expression, dont l'invité-star est... un âne. Pour Emin Milli et Adnan Hajizade, les militants et blogueurs azerbaïdjanais à l'origine de la vidéo, il s'agissait d'une double pique à l'égard du gouvernement : ils entendaient protester contre une réforme prévue du statut des organisations non gouvernementales, et contre l'achat à prix d'or par leur pays... d'un âne en provenance d'Allemagne.
Acheté 18 200 dollars (12 000 euros), l'âne était le dernier achat d'une série de dépenses somptuaires. Adnan Hajizade, qui milite dans plusieurs organisations de jeunesse critiques du gouvernement, décide alors de filmer une fausse conférence de presse dont la star serait l'âne allemand. Devant un panel de faux journalistes, un âne en peluche explique qu'il parle couramment trois langues et sait jouer du violon, avant de se lancer dans une petite démonstration. La vidéo est publiée sur Youtube fin juin.
"UN PROCÈS INÉQUITABLE"
L'humour de la vidéo semble cependant avoir échappé à certains. Le 8 juillet, alors qu'ils dînent avec des amis dans un restaurant libanais de Bakou, la capitale, les deux hommes sont violemment pris à partie et frappés par deux hommes. Blessés, Emin Milli et Adnan Hajizade se rendent au commissariat pour porter plainte. Ils ne ressortiront pas du poste de police : alors que les deux autres hommes impliqués dans l'altercation sont relâchés, les deux militants sont longuement interrogés, puis mis en examen pour "hooliganisme". Jugés en novembre, ils sont condamnés respectivement à deux ans et deux ans et demi de prison.
Pour Amnesty International, les charges retenues contre les deux hommes ne tiennent pas debout. L'organisation a mené sa propre enquête, et considère qu'Emin Milli et Adnan Hajizade sont des prisonniers politiques. Un avis partagé par l'Union européenne, qui a adopté en décembre une résolution condamnant "un procès inéquitable" et des accusations qui "reposent manifestement sur des motifs politiques". "En Azerbaïdjan, la liberté d'expression n'existe que sur le papier", regrette Orkhan Nabiyev, un proche des deux blogueurs et membre de leur comité de soutien. "Emin et Adnan ne sont pas les seuls à être emprisonnés pour leurs opinions. Le développement du Web n'a pas vraiment changé les choses, même si l'impact des vidéos diffusées sur le Net est important."
Le procès en appel des deux hommes devait s'ouvrir ce vendredi matin devant un tribunal de Bakou. Initialement prévu le 8 janvier, le procès avait été repoussé : constatant que leurs accusateurs n'étaient pas présents au tribunal, Emin Milli et Adnan Hajizade avaient refusé de comparaître. Mais ce 22 janvier, le procès a à nouveau été ajourné au cinq février. L'avocat des blogueurs était malade.
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