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Clearstream : Villepin déclare la guerre à Sarkozy

Dominique de Villepin (ici au côté de son épouse et de ses trois enfants) a tenu à s'exprimer publiquement avant l'audience lundi au Palais de justice de Paris.

L'ex-premier ministre a dénoncé «l'acharnement de Nicolas Sarkozy» avant d'entrer dans le tribunal.

De l'inconvénient ou de l'avantage, c'est selon, d'être plus grand que tout le monde : on ne voit que vous. Surtout si, comme Dominique de Villepin, vous ne vous cachez pas pour comparaître devant le tribunal correctionnel de Paris, soupçonné d'avoir joué un rôle central dans la manipulation Clearstream.

Les quatre autres prévenus arrivent le plus furtivement possible : Imad Lahoud, puis Jean-Louis Gergorin, Florian Bourges et Denis Robert. Les parties civiles se faufilent, les plus connues ne sont pas là. On reconnaît le journaliste Edwy Plenel à sa moustache, Pierre Pasqua parce que c'est le portrait de son père, Jean-Charles Marchiani parce qu'il est un habitué des lieux. Nicolas Sarkozy, bien sûr, est absent.

Et voici Dominique de Villepin, 1,93 m, une femme et trois enfants, tous très beaux. Il se campe face à la forêt de caméras, sous les applaudissements d'un fan-club peu nombreux mais énergique. L'ancien premier ministre porte un complet gris. Il est allé récemment chez le coiffeur. Il est bronzé. «Je refuse de croire qu'il y a en France des procès politiques, déclare-t-il. La justice est un bien précieux mais fragile. Je suis ici par la volonté d'un homme, je suis ici par l'acharnement d'un homme, Nicolas Sarkozy, qui est aussi président de la République française. J'en sortirai libre et blanchi, au nom du peuple français. Certains voudraient croire qu'il n'y a pas dans notre pays de procès politique, je veux le croire aussi, et pourtant, nous sommes ici en 2009, et nous sommes en France.» C'est beau comme à l'ONU. Nouveaux applaudissements.

Le prévenu, suivi de sa famille, est à son tour aspiré par le tribunal. À l'intérieur, le voici assis à côté d'Imad Lahoud, qui côtoie Jean-Louis Gergorin. Brochette glaciale. C'est toujours sa tête qui dépasse. De l'autre côté de la travée, Florian Bourges et Denis Robert, apparemment plus détendus. Sans tarder s'ouvrent les hostilités. Sous prétexte de soulever des nullités juridiques, exercice qui constitue d'ordinaire un échauffement routinier, les conseils de l'ex-premier ministre et du président de la République s'écharpent allègrement, quelques roquettes atterrissant au passage sur le bureau du procureur de Paris, Jean-Claude Marin.

Me Henri Leclerc, pour M. de Villepin : «La justice est-elle indépendante ? Bien sûr, son indépendance est garantie par le président de la République.» Le ton est donné (lire ci-dessous). C'est parti pour une attaque en règle d'un parquet que l'avocat décrit cruellement comme servile, sans le dire aussi directement. Emporté par sa fougue, Me Leclerc commet un lapsus qui déride l'assistance : «Nicolas Sarkozy préside le Syndicat de la magistrature» (classé à gauche), au lieu du «Conseil supérieur de la magistrature». Mais l'heure n'est pas à la détente.

Car Me Thierry Herzog se lève à son tour. Pour lui, son client et son contradicteur sont «une partie civile et un prévenu comme les autres». Il note que l'ex-premier ministre soutenait naguère, à la télévision, que «le président de la République avait le droit d'être partie civile». Il relève que M. Sarkozy s'est constitué le 31 janvier 2006, alors que l'information judiciaire était ouverte depuis septembre 2004 ; qu'il n'a été entendu que le 9 mai 2006 ; que «plus jamais il n'est intervenu dans la procédure» ; que «jamais sa constitution n'a été contestée jusque-là». Orateur doué, Me Herzog rugit, tonne, canonne. Artillerie lourde, au demeurant : «Seule une autre personne a utilisé les mêmes arguments que Dominique de Villepin contre Nicolas Sarkozy : Yvan Colonna.» Son client, qui a «saisi la justice au vu et au su de tout le monde, serait-il le seul Français qui n'aurait pas le droit d'être victime ?», s'interroge-t-il.

Vient le moment, pour M. Marin, de donner son point de vue. Très calme, il s'attache à faire du droit pour épouser le point de vue de Me Herzog. Curieuse impression : après l'assaut des deux hussards en robe noire, on croirait voir le procureur, à contre-emploi, agiter un drapeau blanc au milieu d'un champ de bataille déjà dévasté.

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