A écouter sur France Musique : Martial Solal, géant du jazz

A 84 ans, Martial Solal est l'invité spécial du Matin des Musiciens sur France Musique. Il y évoque le charme de Fats Waller, le style de Benny Goodman ou ses légers désaccords avec Sydney Bechet... Un trésor vivant.

Par Laurence Le Saux

Publié le 03 avril 2012 à 11h17

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 04h48

Il semble intimidé d'être là, dans un studio de Radio Fran­ce. Légende vivante du jazz, Martial Solal se montre tantôt craintif, tantôt tranchant. Invité dans Le matin des musiciens par Arnaud Merlin (1) , le pianiste et compositeur écoute attentivement les questions qu'on lui pose, les doigts appuyés sur la tempe. En compagnie de Manuel Rocheman, son ancien (et discret) élève, il détaille leur rencontre plusieurs décennies auparavant, lors d'un stage musical — « Beaucoup des participants étaient inintéressants, mais Manuel, 15 ans, avait joué un thème be-bop de Charlie Parker avec les bons accents. » Il explique encore sa découverte du jazz en Algérie, auprès d'un certain Lucky Starway, multi-instrumentiste. Mais, comme lassé de revenir sur son passé, Solal, 84 ans, ironise : « J'ai raconté ça mille fois, j'ai l'impression de radoter... »

Pourtant, il poursuit d'assez bonne grâce, se remémorant le choc provoqué par la « sonorité séduisante » de Fats Waller, la fraîcheur de Teddy Wilson ou le style de Benny Goodman. En 1950, Solal s'installe à Paris et entre dans le métier de façon hasardeuse, engagé — sans passer d'audition — pour animer un bal du samedi soir. « Il fallait reprendre des standards, c'était alors la seule façon d'investir le jazz. Heureusement, c'est passé de mode dans les années 1980. » L'artiste peut ensuite s'exprimer plus librement, composer pour grand orchestre ou trio, s'amuser à transformer la méthode Hanon, bien connue des apprentis pianistes, en Ah non ! ; ou encore riposter au free jazz avec le thème Jazz frit... Au micro de France Musique, entre deux explications, il s'installe au piano et improvise avec Manuel Rocheman, transposant Tout va très bien, madame la marquise, ou décomposant I got rhythm, de Gersh­win... Le secret de cet exercice ? « On s'écoute, on compte les mesures, on part et on finit ensemble. » Tout simplement.

« Il existe peu de personnalités de cette stature en Europe, explique Arnaud Merlin, empli d'une d'admiration palpable. Martial Solal a inventé un monde, on reconnaît tout de suite sa musique, marquée par une réserve totale et une virtuosité frappante : c'est le paradoxe Solal, qui lui a permis de faire son chemin en évitant les imitations, de cultiver une musique peu spectaculaire, très référencée. Mais cela lui a valu une reconnaissance moins éclatante que celle d'un Michel Petrucciani, par exemple. » L'homme a pourtant enregistré un disque avec Sidney Bechet, en 1957 (« Son jazz n'était pas le mien, mais, pour la paix musicale, nous avons mis en boîte un disque sympa en trois heures », lâche-t-il impérialement) ; il a aussi composé la bande originale d'A bout de souffle, de Godard, ou collaboré avec le violoniste Stéphane Grappelli en 1980. Un monstre sacré, décidément.

(1) Il lui consacre deux émissions d'une heure et demie, ce mardi et le suivant.

Le Matin des musiciens, mardi 3 avril - 11h - France Culture

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