"Que de sang, que de sang !", eût sans doute proféré le maréchal de Mac-Mahon (auteur du célèbre "Que d'eau, que d'eau !" devant la crue de la Garonne en 1875), s'il avait pu voir la nouvelle production de Parsifal à l'Opéra de Lyon. Le dernier opéra (1882) de Richard Wagner n'y avait pas été remonté depuis trente-cinq ans - c'est peu dire que la mise en scène confiée au cinéaste et metteur en scène canadien François Girard était attendue. Le réalisateur du Violon rouge (1998) a déjà à son actif lyonnais un joli doublé avec Le Vol de Lindbergh et Les Sept Péchés capitaux de Kurt Weill et Bertolt Brecht en 2006.
Loin des Parsifal aux rituels abstraits, des grands-messes ésotériques, des transcendances symboliques, François Girard a assumé le premier degré du "festival scénique sacré" (Bühnenweihfestspiel) voulu par Wagner, au risque de tomber dans un bain d'hémoglobine. Déjà dans Le Violon rouge, c'est avec le sang de sa femme morte en couches que le vieux luthier vernissait l'instrument destiné à son fils. Mais il est vrai que la thématique irrigue la légende du Perceval germanique issu des légendes arthuriennes qu'est Parsifal. Les chevaliers du Graal ont perdu la lance sacrée du Christ. Seul un envoyé de Dieu, chaste et pur, peut reconquérir la lance.
Grands et beaux espaces bibliques (décors de Michael Levine), vols fous de sombres nuées (vidéo de Peter Flaherty), lumières hollywoodiennes à la Cecil B. DeMille (David Finn), le metteur en scène oeuvre par plans cinématographiques particulièrement efficaces dans le placement des masses chorales. Le deuxième acte de la Tentation de Parsifal, au fond d'un immense ravin vaginal hérissé de lances phalliques et noyé de sang, avec ses filles-fleurs aux longs cheveux, aux robes tachées de rouge, a certes un côté chromo Dracula. Mais il agit avec une force d'autant plus grande que le troisième acte arbore l'extrême dépouillement du repentir et de la rédemption.
Châtré
Une belle et jeune distribution est à l'oeuvre sur le plateau, dominée par le Gurnemanz de Georg Zeppenfeld. Le Parsifal de Nikolai Schukoff possède la vaillance salvatrice de qui apprend la douleur des autres au point d'en faire sa vocation ; le Klingsor d'Alejandro Marco-Buhrmester, la violence de celui qui a payé le prix fort pour rester chaste (il s'est châtré) ; l'Amfortas de Gerd Grochowski, le désespoir de qui ne peut ni vivre ni mourir.
Quant à la Kundry sainte et séductrice d'Elena Zhidkova, son physique de femme-enfant et les élans (un peu crispés en ce soir de première) d'un registre vocal sans faille ne sont pas de maigres atouts. Dans la fosse, la direction chambriste de Kazushi Ono manque un peu de chair ? Dame, il y en a tant sur la scène !
Parsifal, de Richard Wagner. Opéra de Lyon (69), les 14, 17, 20 et 23 mars à 18 heures, le 25 mars à 15 heures. Tél. : 08-26-30-53-25. De 5 € à 92 €. Sur le Web : www.opera-lyon.com.
Voir les contributions
Réutiliser ce contenu